Publié le 12 Avril 2023

SHAMISEN, quand la musique adoucit les mœurs

Qui ne connait pas encore le shamisen, instrument traditionnel japonais, a tout intérêt à se plonger dans la lecture de ce conte qui se déroule au XXème siècle : la resplendissante Haru joue de ce luth à trois cordes accompagné de ses chants mélodieux, au gré des lieux qui l’inspirent au risque de ne pas plaire à tous. Ainsi, bien que sa prestation dans un jardin public ait été accueillie avec ferveur par la foule rassemblée pour l’écouter, il suffit qu’un grincheux la traite de mendiante pour qu’elle se confonde en excuse. Et c’est là que la magie opéra par la survenance d’un kappa, sorte de monstre issu du folklore japonais tombé sous le charme de la musicienne. Cette dernière lui tint de tels propos à son encontre, lui faisant réviser ses a priori sur la condition humaine, qu’il lui offrit la clé de la dimension divine.

Nantie de cette clé, elle se lance dans un voyage où elle ne tarde pas à rencontrer des personnages de la mythologie japonaise. La quête sera longue mais qu’obtiendra-t-elle au bout de ce long périple ?

Tiago Minamisawa, plutôt connu comme réalisateur et producteur de courts-métrages, signe là son premier scénario de bande dessinée et ce de fort belle manière, envoutant le lecteur dès les premières pages. Il mélange avec talent la vie de cette jeune musicienne à la mythologie japonaise, pour en faire une belle unité dans une jolie balade philosophique.

Le dessin réaliste, rehaussé de superbes couleurs, de Guilherme Petreca ajoute un caractère féérique à la fable, entrainant le lecteur dans des décors fantasmagoriques aux couleurs chatoyantes.

Enfin, ajoutons une mention particulière pour le soin apporté à l’édition de ce conte, remarquablement mis en valeur que ce soit dans la réalisation très soignée du livre que dans sa conception éditoriale avec notamment des bonus permettant de mieux appréhender son univers merveilleux.

SHAMISEN Tiago MIMAMISAWA/Guilherme PETRECA Éditions ANKAMA 160 pages, 21,90 €

Bernard LAUNOIS

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Publié le 7 Avril 2023

ENVIRONNEMENT TOXIQUE, un drôle de retour dans l’univers masculin des camps de travailleurs du pétrole

La jeune Kate Beaton sort de ses études financées par un prêt étudiant qu’elle va devoir rembourser instamment. Seulement, trouver du travail quand on réside dans un village de l’ile de Cap-Breton, sur la côte canadienne, s’avère une pure gageure alors… Pourquoi ne pas tenter de s’expatrier dans les mines de sables bitumeux qui, parait-il, lui permettraient de se remettre à flot dans les meilleurs délais ?

Passées les réticences familiales à la laisser partir dans un milieu hostile, Kate décide de faire les 5 000 kms pour rejoindre le camp de travailleurs de Long Lake où elle a été engagée au rythme de douze heures en alternant les jours/nuits. Kate est courageuse et les horaires ne lui font pas peur, l’environnement polluant la tracasse mais elle surmonte ses appréhensions. Ce qu’elle craignait avant son arrivée, c’était de se retrouver dans un milieu confiné peuplé presque exclusivement d’hommes et elle n’a pas été déçue : sobriquets, blagues grivoises, compliments intéressés voire tentatives de flirt plus ou moins insistantes s’enchainent. Et le comble de tout, c’est la résignation des quelques femmes qui travaillent dans ce milieu et qui ont fini par baisser les bras. A 21 ans, Kate n’a pas l’intention de se laisser faire mais seulement, comment briser le silence ?

L’autrice Kate Beaton décrit avec justesse l’ambiance particulière d’un milieu de confinement où les seules distractions, après un travail difficile dans des conditions sanitaires plutôt limite, sont les beuveries des jours de repos avec les opportunités de finir les soirées dans les draps d’une employée du groupe ou d’une autochtone.

Malgré tout, l’autrice traite le sujet avec beaucoup d’empathie pour ces hommes loin de chez eux et qui, pour beaucoup d’entre eux, n’ont pas eu d’autre solution que d’accepter ce travail.

Avec un dessin plutôt réaliste, Kate Beaton se met en scène au milieu de ses collègues et au travers des 400 pages d’un roman graphique où le lecteur n’aura de cesse de découvrir tous les tourments des deux années passées dans un environnement bientôt plus toxique psychologiquement que physiquement.

ENVIRONNEMENT TOXIQUE Kate BEATON Éditions CASTERMAN 440 pages, 29,95 €

Bernard LAUNOIS

 

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Publié le 4 Avril 2023

LE VOYAGEUR, du Louvre à la Toscane tout un programme

Le métier de gardien de musée n’a, a priori, rien de vraiment passionnant, et a fortiori quand on est cantonné dans le même secteur depuis des lustres. C’est hélas le triste sort de Patrick, chargé notamment de surveiller la Joconde, supportant à longueur de journées les explications des guides et les commentaires des spectateurs. Alors, non seulement il ne peut plus voir la Joconde en peinture, mais rien d’autre non plus. Et quand on rajoute son statut de célibataire vivant chez maman, le rejet de ses collègues qui le trouvent trop ringard, sa timidité maladive qui l’empêche d’aborder Geneviève la caissière dont il s’est entiché, voilà un funeste tableau bien dressé… Jusqu’à ce que l’incroyable, voire l’inconcevable survienne.

Voilà que notre quinquagénaire se retrouve happé dans le tableau de la Joconde et ses paysages Toscans.  Quel choc, découvrir l’environnement de Léonard de Vinci, guidé par Ginerva, la sœur de Mona Lisa alors que quelques instants plus tôt, il ne faisait que vociférer devant cette Joconde !

Où cette escapade le mènera-t-elle, comment ressortira-t-il de cet intermède qui l’extirpe d’une vie bien morose ? C’est ce que la scénariste Théa Rojzman s’emploie à faire avec talent tout au long d’un récit envoutant dont le lecteur n’aura de cesse de connaître l’épilogue. De la rencontre d’un enfant qui ressemble tant à Patrick, aux recommandations de Léonard de Vinci à son encontre, la scénariste brouille habilement les pistes entre réalité et fiction, pour mieux surprendre le lecteur.

On retrouve avec bonheur le trait réaliste du dessinateur Joël Alessandra qui aura pris la pleine mesure d’un scénario oscillant entre le XVème siècle et nos jours, notamment en marquant les périodes bleues correspondant à la vie peu palpitante du gardien de musée contrastant avec les couleurs chatoyantes d’une Toscane flamboyante.

Une mention particulière est à ajouter pour un superbe cahier graphique de l’aquarelliste Joël Alessandra, qui complète bien l’album.

LE VOYAGEUR Théa ROJZMAN/Joël ALESSANDRA Éditions Daniel MAGHEN 150 pages 26,00€

Bernard LAUNOIS

 

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Publié le 29 Mars 2023

48 HEURES BD EN FÊTE à la médiathèque Duhamel de Mantes-la-Jolie, un événement à ne pas manquer !

Dans le cadre de l’opération nationale des « 48 heures BD », la médiathèque Duhamel de Mantes-la-Jolie organise une série d’événements avec la collaboration de Bulles de Mantes :

-        Exposition Tâvutatèt, bande dessinée jeunesse de Carole Trébor et Gabriele Bagnoli (éditions Vents d’Ouest), du 21/03 au 30/04

-        Exposition Rouges estampes, bande dessinée de Carole Trébor, Jean-Louis Robert et Nicola Gobbi (éditions Steinkis), du 21/03 au 20/04

-        Ateliers BD, animés par la scénariste Carole Trébor

-        Braderie de bandes dessinées à la médiathèque Duhamel : suite au renouvellement de ses collections, la médiathèque Georges-Duhamel organise une braderie de BD. Tous les albums seront vendus 1 euro ( essentiellement des BD pour adultes). Samedi 1er avril de 10h00 à 17h00.

Médiathèque Georges-Duhamel

Square Brieussel-Bourgeois, 78200 Mantes-la-Jolie

horaires:  Mar-ven : 13h>19h ; Mer-samedi : 10h>18h

https://www.manteslajolie.fr/information/agenda/braderie-bande-dessinee-avril-2023-2400

 

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Publié le 28 Mars 2023

ANGE LECA, une singulière enquête en eaux troubles

Nous sommes en janvier 1910, alors que la Seine fait des siennes en envahissant la Capitale, semant la panique parmi les Parisiens. La gent animale, à commencer par les rats, locataires des sous-sols, tente de sauver sa peau comme elle peut. Mais, comme si cela n’était pas suffisant voilà que tout remonte à la surface, mêmes les cadavres. Et celui que va découvrir le journaliste Ange Leca interpelle : imaginez le tronc d’une jeune femme dont on a soigneusement scalpé la poitrine. Aussi, qui peut bien avoir réalisé une telle boucherie et ce, dans quel but ? Le ou les meurtriers avaient-il peur que la victime soit reconnue ?

Les scénaristes Tom Graffin et Jérôme Ropert ont intelligemment placé le récit dans la période de la Belle Époque où l’insouciance règne, et plus particulièrement dans les milieux bourgeois tandis que le petit peuple parisien tente de survivre quand survient la crue du siècle. Le lecteur s’attachera assez rapidement au profil du journaliste, qui bien que n’étant pas du métier, ne tarde pas à se transformer en Sherlock Homes. On rajoutera, pour corser le tout, ses vies amoureuses et professionnelles qui s’avèrent particulièrement compliquées.

L’album, fort bien réussi graphiquement par le dessinateur Victor Lepointe, laisse transpirer une ambiance toute particulière oscillant entre une atmosphère souvent lourde, à la manière d’un Jack l’éventreur dans un Paris assiégé par les eaux, avec des couleurs sombres et des couleurs pastel, de bon aloi pour mettre en scène notamment le Paris de la fête.

Enfin, pour ceux des lecteurs qui ne se souviendrait pas ou n’aurait pas eu connaissance de cette période de la Belle Époque, ils découvriront avec intérêt un cahier photographique agrémenté de textes, tant dans un Paris sous les eaux que dans une vie parisienne à l’aube du XXème siècle.

ANGE LECA Tom GRAFFIN & Jérôme ROPERT/Victor LEPOINTE Collection GRAND ANGLE Éditions BAMBOO 72 pages, 15,90 €

Bernard LAUNOIS

 

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Rédigé par Bulles de Mantes

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Publié le 20 Mars 2023

OLIPHANT, le récit poignant d’une aventure polaire qui tourne au cauchemar

Alors que la guerre fait rage dans toute l’Europe, c’est le moment que choisit l’émérite capitaine Emerson de se lancer dans une nouvelle aventure, avec 28 hommes d’équipage dont Arcadi, son fils, qu’il prend avec lui pour la première fois. Le brise-glace file droit vers l’Antarctique, « l’ultime terre inconnue du globe… Nous vivons le dernier exploit humain du monde » se complait à dire le capitaine explorateur dont la réputation n’est plus à faire. Mais qu’est-ce qui les attend sur ces terres gelées, vont-ils arriver à leurs fins ?

La vie n’est pas un long fleuve tranquille et d’autant plus lorsqu’on brave les affres de la mer. Alors, quand le brise-glace passe de l’enlisement au naufrage, c’est tout un équipage qui se retrouve à terre. Que faire, sinon entreprendre de rejoindre par tous les moyens la Géorgie du Sud et voilà que l’expédition tourne au cauchemar.

Quelle histoire ! La scénariste Loo Hui Phang s’est emparée de l’histoire d’Ernest Shackleton, le premier des grands explorateurs du cercle polaire, pour en faire une fiction des plus réussies, terriblement humaine. Vivre en autarcie génère assurément des tensions et l’on peut étouffer avec des températures polaires. C’est ce que va vivre cet équipage pas vraiment préparé à vivre une expédition aussi désastreuse sans parler de la dimension psychologique des rapports père-fils entre le capitaine et Arcadi.

On appréciera le découpage en huit chapitres, chacun débutant par un sujet scientifique en rapport avec les phénomènes rencontrés par l’équipage.

Quant au dessin de Benjamin Bachelier, il transcende le récit en immergeant le lecteur dans cet univers polaire. Tout en couleurs directes, avec des apports de matières selon le sujet traité, ses planches collent parfaitement à l’esprit qu’a voulu rendre la scénariste.

Alors, prêt pour l’aventure avec un grand A ?

OLIPHANT Loo Hui PHANG/Benjamin BACHELIER Éditions FUTUROPOLIS 256 pages, 36,00 €

Bernard LAUNOIS

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Publié le 17 Mars 2023

LE NID : LES FILS DE LA MORT, chronique d’une fin annoncée

Juin 1944, alors que les revers militaires du IIIème Reich se multiplient, c’est au fin fond des Alpes bavaroises qu’Hitler s’est retiré, accompagné de ses plus proches dignitaires. « Le nid » de Berchtesgaden, sorte de cocon niché entre forêts et montagnes semble être la résidence idéale pour faire le point sur l’état des troupes, mais aussi pour se ressourcer et tenter de calmer ses problèmes de santé.

Au lieu de ça, ses démons et ses angoisses ne font qu’empirer, son médecin n’ayant d’autre solution que d’accepter de lui administrer bon nombre de drogues. Les fêtes se succèdent pour la poignée d’invités conviés à la résidence mais le cœur n’y est pas et tout un chacun s’évertue à faire comme si de rien n’était. Quant aux offensives décidées unilatéralement par le dictateur pendant cette retraite, elles ne feront qu’accélérer la chute de l’empire germanique.

L’auteur Marc Galli précipite le lecteur dans un vase clos des plus nauséabonds où luttes de pouvoir, faux semblants, résignations et dénis se côtoient. Avec un récit plutôt bien construit, le lecteur va découvrir un Führer naviguant entre sa vie publique au milieu de sa cour et ses moments d’intimité lorsqu’il se retranche dans ses appartements, envahi d’hallucinations voire de folies provoquées notamment par les substances injectées.

Avec un dessin aux accents caricaturaux, renforcés par des aplats de couleurs volontairement ternes rendant une ambiance des plus délétères, l’auteur dépeint des êtres torturés à des degrés divers, rongés par l’angoisse d’une fin de règne qu’ils sentent imminente.

Alors, il convient de mettre en garde le lecteur car voilà un livre déroutant, envoutant que, si l’on commence à le lire, on ne lâche plus jusqu’à sa fin.

LE NID : LES FILS DE LA MORT Marco GALLI Éditions SARBACANE 176 pages, 24,00 €

Bernard LAUNOIS

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Publié le 16 Mars 2023

L’ANNÉE FANTÔME, un touchant retour sur l’enfance

Quand l’humoriste Collot décide de faire son show, mieux vaut ne pas être dans son viseur car personne n’est épargné. De l’article assassin à la chronique radiophonique acerbe, en passant par ses sorties dans les soirées mondaines, Collot en impose jusqu’à une invitation à un débat télévisé. Incapable de sortir ses sempiternelles réparties, il sortira complètement démonté de cette joute oratoire au point de renoncer à sa carrière médiatique.

Mais qu’y-a-t-il derrière ce masque satirique, une fuite en avant, une enfance refoulée mise en exergue par ses séances psy ? Comment Gilles Collot-Sopiedard, de son vrai nom, va-t-il se sortir de cette passe difficile ? Peut-être que renouer avec sa famille nordiste, retourner sur son enfance, serait le commencement d’un long parcours du combattant salutaire ?

L’auteur Didier Tronchet décortique au scalpel les états d’âme de son personnage principal, tiraillé entre l’être et le paraître. « Chassez le naturel, il revient au galop » pourrait être assurément une des maximes de ce tendre récit avec un personnage qui touche le fond pour mieux remonter à la surface.

Avec un ton juste, passant des répliques cinglantes aux remarques attendrissantes, ce diable de Didier Tronchet réussit le tour de force de faire paraître son personnage, souvent des plus détestables, comme un être plutôt attachant.

En quelques traits, Didier Tronchet campe ses personnages dans des décors sans fioritures, ne serait-ce que pour aller à l’essentiel, celui de raconter de belles histoires.

Alors l’année fantôme sera-t-elle le chaînon manquant qui permettra à Collot de mieux se comprendre ?

Préfacé par le talentueux François Morel, voilà un beau récit qui ne laissera pas le lecteur indifférent.

 

L’année fantôme Collection Aire Libre Didier TRONCHET Éditions DUPUIS 192 pages 27,00 €

Bernard LAUNOIS

 

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Rédigé par Bulles de Mantes

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Publié le 8 Mars 2023

Disques BD-Cinéma les 18 et 19 mars 2023, venez fêter avec nous les 25 ans de cette manifestation !

Pour la 25e édition de la Foire aux Disques, BD et Cinéma de Limay, les préparatifs battent leur plein.

Le rendez-vous est aux 18 et 19 mars 2023, comme chaque année au gymnase Guy Môquet de Limay. La formule ne change pas et comme chaque année l’association Big Band Vexinée a invité près de 80 exposants qui mettent à la disposition du public 300 mètres de bacs remplis de pièces de collection, de quoi permettre à chaque collectionneur de dénicher la perle rare…

Conformément encore à la tradition, Bulles de Mantes s’est vue confier le soin d’organiser les séances de dédicaces avec des auteurs de BD.

 

Auteur

Derniers titres parus

Présence

ARGUNAS Will

Artbooks

S-D

DEQUEST Pierre-Emmanuel

L'Appel de la forêt / Croc-Blanc

S

DJINDA Vincent

De sel et de sang

S-D

GUILLAUME Philippe

L'Or des Belges / Une féministe révolutionnaire à l'atelier / Le Banquier du Reich

S-D

JERONATON

Anaxiléa, El Nakom

S-D

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Publié le 27 Février 2023

Rencontre avec Thomas Legrain à l'occasion de la sortie de LATAH aux éditions Le Lombard

Après Le régiment, Bagdad Inc., vous revenez sur le thème de la guerre. Est-ce un sujet de prédilection ?

Non pas spécialement. En fait, la guerre du Vietnam est le contexte dans lequel se déroule l’histoire de Latah mais n’en est pas le thème. Tout comme Bagdad Inc. avait pour sujet l’appropriatio

Comment avez-vous appréhendé le rôle de scénariste et de dessinateur ? 

Ce projet a commencé dans des conditions difficiles. Il faut savoir qu’au départ, j’avais essayé de le développer avec un scénariste, mais celui-ci a abandonné le projet en cours de route.  C’était en 2020, l’année Covid, compliquée pour tout le monde. Mais les bases qui avaient été posées au niveau du scénario étaient bonnes, ça demandait juste encore beaucoup de travail. Cependant, je n’avais pas le temps de recommencer avec un autre scénariste car à l’époque, je n’avais pas d’autres contrats en vue et c’était mon seul projet viable. J’avais l’impression de savoir ce qu’il fallait faire et quelle direction lui donner. Je me suis dit que je n’avais rien à perdre. Je me suis réapproprié le sujet et je suis donc devenu scénariste un peu par accident et pas du tout de ma volonté.

Quelles sont vos influences, en matière de lecture, cinématographiques… ?

Cinéma, complètement ! Je suis plutôt un cinéphile qu"un bédéphile.

On le voit également dans la manière dont vous prenez les angles dans la bande dessinée, on se sent plus dans un film.

C’est effectivement un angle de caméra, pris à hauteur d’homme la plupart du temps. J’ai une approche très cinématographique et je ne m’en cache pas. J’ai même fait des albums presque exclusivement en 16/9ème à l’instar de Bagdad Inc. Mais si mes influences sont complètement cinématographiques, je me considère comme un bédéiste intégral.

Vous avez commencé très jeune dans la bande dessinée. Quel est votre regard aujourd’hui après vingt ans de réalisation de bandes dessinées ?

Voir plus, car j’ai fait de la bande dessinée pour moi bien avant. En fait, c’est ça qui est assez amusant avec Latah, c’est qu’après avoir terminé Sisco, Régiment, etc, j'avais envie de revenir à ce que je faisais avant de passer professionnel. Je faisais alors plutôt du fantastique ou de la SF et d’ailleurs ma prochaine série sera de la science-fiction. En fait, comme j’avais fini mes séries, qui avaient plutôt bien marché et avec lesquelles je me suis bien amusé, je me suis dit que c’était l’occasion de revenir à faire ce que je faisais quand j’étais plus jeune mais avec l’expérience que j’avais acquise depuis.

Quels retours du public avez-vous eus alors que ce sont les premières séances de dédicaces de Latah, sorti en noir et blanc et en avant-première sur le festival d’Angoulême ? Est-ce que les personnes rencontrées l’ont lu ?

Quelques- uns l’ont lu et à chaque fois, j’ai visiblement créé une certaine surprise ! Ceci dit,  c’est le but, je veux emmener le lecteur dans ce qu'il croit être un type de récit et le retourner, le désorienter.

C'est effectivement la sensation que j'ai ressentie à la lecture, m'incitant à revenir en arrière.

Comme si vous aviez oublié quelque chose (rires)

De cet album, on dira qu’il ne laissera pas le lecteur indifférent. Comment avez-vous construit cette dramaturgie ?

Voulant que ce scénario soit très construit et cohérent, je me suis astreint à le rédiger de a jusqu’à z. En fait, comme il y a plusieurs thématiques dans l’album avec un changement de style au milieu, je voulais que l’ensemble soit hyper cohérent, avec en fil rouge une réflexion sur la culpabilité. En fait, le scénario était pensé pour qu’il y ait presque une nécessité de deuxième lecture : avec les éléments donnés à la fin, je pense que l’on relit l’album différemment.

Au niveau dessin, c’est un crayonné puis un encrage ensuite ?

Oui, de manière hyper classique et pour répondre à votre question de tout à l’heure, le fait d’être dessinateur et scénariste, il y a un avantage et un inconvénient. L’avantage c’est la liberté dont on dispose : j’ai pu imprimer mon rythme narratif avec très peu de contraintes. Le désavantage, c’est le manque de retour sur son travail. Comme j’ai toujours travaillé avec des scénaristes jusqu’ici, j’ai toujours eu l’habitude, et ce dès l’étape du crayonné et à chaque page, d’avoir un retour du scénariste. Sauf que là, j'étais mon seul critique et j'étais obligé d'être encore plus exigeant. Surtout que, n’étant pas scénariste, j’avais vraiment peur de merder ce projet. Autant je pense avoir fait plus ou moins mes preuves en tant que dessinateur, autant en tant que scénariste le fait d’être son propre critique m’a amené à dix fois plus d’exigence. Parfois, j’ai jeté deux-trois semaines de travail parce que je n’étais pas content de moi.

Avez-vous travaillé avec votre éditeur, quels ont été vos rapports avec lui ?

Oui, ça s’est plus joué sur la partie scénaristique, car cela fait quinze ans que je travaille avec le même éditeur qui a l’habitude de me faire confiance sur mon dessin. Mais ça s’est aussi bien passé pour le scénario, il m’a fait confiance. Cela été très particulier mais comme je l’ai dit précédemment, il y a quand même un avantage à se retrouver seul aux commandes d’un projet, c’est la liberté. Avec cette pagination, je me suis offert une énorme liberté.

En fait, c’est assez paradoxal, la liberté d’un côté et la rigueur de l’autre, surtout quand on est un scénariste novice entre guillemets. Fatalement, si l’on veut faire les choses bien, il faut être hyper-rigoureux ! D’où, une construction hyper-carrée, que j’ai essayé de rendre la plus irréprochable possible

Allez-vous continuez à endosser, à l’avenir, les deux rôles de scénariste et de dessinateur ?

Non, ce n’est pas prévu dans l’immédiat.  Mon prochain album est aussi une idée personnelle à la base, mais c’est un scénariste qui l’a développée et il a fait un bien meilleur travail que ce que j’aurais fait.

Atmosphère pesante et ce, dès les premières pages, la pression monte continuellement. Le lecteur est rapidement plongé dans une atmosphère délétère. Le dessin est à l’image du scénario dans cet univers luxuriant et angoissant. Comment vous êtes-vous documenté pour rendre ce récit des plus réalistes ?

En dehors des costumes militaires et des quelques armes et avions, ça n’a pas exigé une documentation énorme, et c’est un travail qui avait été déjà fait en partie avec le scénariste avec qui j’avais commencé le développement du projet au départ. Le but était de rendre le contexte suffisamment crédible.

Le Latah fait appel à des croyances ancestrales perpétuées depuis la nuit des temps. Comment avez-vous trouvé cette inspiration ?

C’est à nouveau avec le scénariste que l’idée est venue. Le latah, c'est un concept qui existe, c'est une sorte d'état de transe dans le sud-est asiatique. Mais ce qui en a été fait dans l’album n’a rien à voir avec ça, c’est évidemment une pure fiction que j’ai utilisée pour créer un effet miroir avec les tensions au sein du groupe de soldats »

Il faut dire que le récit se déroule dans un état de guerre, de peur perpétuelle.

Alors, c’est là où je pourrais peut-être répondre à la question Pourquoi la guerre ? peut-être parce que la guerre, plus que toute autre situation, amène les êtres humains dans des positions extrêmes face à des situations extrêmes, avec un danger de mort immédiate. Est-ce dans ces moments-là que l’on se révèle vraiment tel que l’on est ? J'aime bien aller à l'os, au fond des choses et même si l'os n'est pas beau à voir. C’est la raison pour laquelle, j’aime bien le survival parce que cela permet d’aller au plus profond de ses personnages, en bien ou en mal.

Entretien réalisé le 27 janvier 2023 sur le stand Le Lombard au FIBD Angoulême à l’occasion de la sortie, en avant-première, de l’album Latah en version noir & blanc.

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Rédigé par Bulles de Mantes

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