Publié le 15 Avril 2023

TROIS CHARDONS, voilà de belles plantes qui ne peuvent laisser indifférent !

35 ans, voici un âge qui s’avère être bien trop jeune pour enterrer un mari. C’est hélas, le sort de Moïra qui se retrouve alors sans ressources pour élèver ses deux jeunes enfants. Nous sommes en 1933 et Moïra qui n’a jamais travaillé, sait qu’elle aura toutes les peines du monde à s’insérer dans la vie professionnelle. Que faire alors, sinon se rapprocher de sa famille, en l’occurrence de Margaret sa sœur ainée, qui lui offre l’hébergement jusqu’à ce qu’elle trouve du travail afin notamment de nourrir sa progéniture et s’occuper l’esprit.

Seulement, pour Moïra, passer d’une maison cossue à une ferme écossaise des plus austères au fin fond de l’ile de Skye relève de la gageure, sans parler de la cohabitation avec son ainée qui vivait jusqu’alors seule, endeuillée de son unique enfant. Et comme si ça ne suffisait pas, voilà qu’Effie, la petite dernière fuit son mari volage pour rejoindre ses ainées.

Mais le tempérament de nos trois jeunes soeurs est radicalement différent, voire explosif en ce qui concerne la petite dernière qui ne s’en laisse pas compter. Arriveront-elles à vivre ensemble au jour le jour sans que les rancœurs, les luttes intestines ne ressurgissent comme lorsqu’elles demeuraient encore sous le même toit chez leurs parents ? Pourront-elles s’insérer dans la vie du village, et peut-être y trouver l’amour ?

L’autrice Cécile Becq dépeint avec justesse une fratrie malmenée par la vie qui ne l’a guère ménagée depuis ces dernières années mais qui, malgré tout trouve la force de caractère pour avancer.

La condition féminine apparait un sujet que Cécile Becq affectionne tout particulièrement, que ce soit avec Ama, le souffle des femmes s’attardant sur la condition de vie de femmes japonaises, pêcheuses d’ormeaux, ou avec ce nouvel opus de Trois chardons, plantes à épines mais aussi à belles fleurs, un récit sensible et sans tabou.  

Son dessin hyperréaliste colle parfaitement au sujet, tout en douceur, plein de sensibilité et de sensualité. Clairement, un bel album à ne pas manquer.

TROIS CHARDONS Cécile BECQ Éditions SARBACANE 128 pages, 24,00 €

Bernard LAUNOIS

Voir les commentaires

Rédigé par Bulles de Mantes

Publié dans #Coup de coeur Bernard LAUNOIS

Repost0

Publié le 12 Avril 2023

SHAMISEN, quand la musique adoucit les mœurs

Qui ne connait pas encore le shamisen, instrument traditionnel japonais, a tout intérêt à se plonger dans la lecture de ce conte qui se déroule au XXème siècle : la resplendissante Haru joue de ce luth à trois cordes accompagné de ses chants mélodieux, au gré des lieux qui l’inspirent au risque de ne pas plaire à tous. Ainsi, bien que sa prestation dans un jardin public ait été accueillie avec ferveur par la foule rassemblée pour l’écouter, il suffit qu’un grincheux la traite de mendiante pour qu’elle se confonde en excuse. Et c’est là que la magie opéra par la survenance d’un kappa, sorte de monstre issu du folklore japonais tombé sous le charme de la musicienne. Cette dernière lui tint de tels propos à son encontre, lui faisant réviser ses a priori sur la condition humaine, qu’il lui offrit la clé de la dimension divine.

Nantie de cette clé, elle se lance dans un voyage où elle ne tarde pas à rencontrer des personnages de la mythologie japonaise. La quête sera longue mais qu’obtiendra-t-elle au bout de ce long périple ?

Tiago Minamisawa, plutôt connu comme réalisateur et producteur de courts-métrages, signe là son premier scénario de bande dessinée et ce de fort belle manière, envoutant le lecteur dès les premières pages. Il mélange avec talent la vie de cette jeune musicienne à la mythologie japonaise, pour en faire une belle unité dans une jolie balade philosophique.

Le dessin réaliste, rehaussé de superbes couleurs, de Guilherme Petreca ajoute un caractère féérique à la fable, entrainant le lecteur dans des décors fantasmagoriques aux couleurs chatoyantes.

Enfin, ajoutons une mention particulière pour le soin apporté à l’édition de ce conte, remarquablement mis en valeur que ce soit dans la réalisation très soignée du livre que dans sa conception éditoriale avec notamment des bonus permettant de mieux appréhender son univers merveilleux.

SHAMISEN Tiago MIMAMISAWA/Guilherme PETRECA Éditions ANKAMA 160 pages, 21,90 €

Bernard LAUNOIS

Voir les commentaires

Rédigé par Bulles de Mantes

Publié dans #Coup de coeur Bernard LAUNOIS

Repost0

Publié le 7 Avril 2023

ENVIRONNEMENT TOXIQUE, un drôle de retour dans l’univers masculin des camps de travailleurs du pétrole

La jeune Kate Beaton sort de ses études financées par un prêt étudiant qu’elle va devoir rembourser instamment. Seulement, trouver du travail quand on réside dans un village de l’ile de Cap-Breton, sur la côte canadienne, s’avère une pure gageure alors… Pourquoi ne pas tenter de s’expatrier dans les mines de sables bitumeux qui, parait-il, lui permettraient de se remettre à flot dans les meilleurs délais ?

Passées les réticences familiales à la laisser partir dans un milieu hostile, Kate décide de faire les 5 000 kms pour rejoindre le camp de travailleurs de Long Lake où elle a été engagée au rythme de douze heures en alternant les jours/nuits. Kate est courageuse et les horaires ne lui font pas peur, l’environnement polluant la tracasse mais elle surmonte ses appréhensions. Ce qu’elle craignait avant son arrivée, c’était de se retrouver dans un milieu confiné peuplé presque exclusivement d’hommes et elle n’a pas été déçue : sobriquets, blagues grivoises, compliments intéressés voire tentatives de flirt plus ou moins insistantes s’enchainent. Et le comble de tout, c’est la résignation des quelques femmes qui travaillent dans ce milieu et qui ont fini par baisser les bras. A 21 ans, Kate n’a pas l’intention de se laisser faire mais seulement, comment briser le silence ?

L’autrice Kate Beaton décrit avec justesse l’ambiance particulière d’un milieu de confinement où les seules distractions, après un travail difficile dans des conditions sanitaires plutôt limite, sont les beuveries des jours de repos avec les opportunités de finir les soirées dans les draps d’une employée du groupe ou d’une autochtone.

Malgré tout, l’autrice traite le sujet avec beaucoup d’empathie pour ces hommes loin de chez eux et qui, pour beaucoup d’entre eux, n’ont pas eu d’autre solution que d’accepter ce travail.

Avec un dessin plutôt réaliste, Kate Beaton se met en scène au milieu de ses collègues et au travers des 400 pages d’un roman graphique où le lecteur n’aura de cesse de découvrir tous les tourments des deux années passées dans un environnement bientôt plus toxique psychologiquement que physiquement.

ENVIRONNEMENT TOXIQUE Kate BEATON Éditions CASTERMAN 440 pages, 29,95 €

Bernard LAUNOIS

 

Voir les commentaires

Rédigé par Bulles de Mantes

Publié dans #Coup de coeur Bernard LAUNOIS

Repost0

Publié le 4 Avril 2023

LE VOYAGEUR, du Louvre à la Toscane tout un programme

Le métier de gardien de musée n’a, a priori, rien de vraiment passionnant, et a fortiori quand on est cantonné dans le même secteur depuis des lustres. C’est hélas le triste sort de Patrick, chargé notamment de surveiller la Joconde, supportant à longueur de journées les explications des guides et les commentaires des spectateurs. Alors, non seulement il ne peut plus voir la Joconde en peinture, mais rien d’autre non plus. Et quand on rajoute son statut de célibataire vivant chez maman, le rejet de ses collègues qui le trouvent trop ringard, sa timidité maladive qui l’empêche d’aborder Geneviève la caissière dont il s’est entiché, voilà un funeste tableau bien dressé… Jusqu’à ce que l’incroyable, voire l’inconcevable survienne.

Voilà que notre quinquagénaire se retrouve happé dans le tableau de la Joconde et ses paysages Toscans.  Quel choc, découvrir l’environnement de Léonard de Vinci, guidé par Ginerva, la sœur de Mona Lisa alors que quelques instants plus tôt, il ne faisait que vociférer devant cette Joconde !

Où cette escapade le mènera-t-elle, comment ressortira-t-il de cet intermède qui l’extirpe d’une vie bien morose ? C’est ce que la scénariste Théa Rojzman s’emploie à faire avec talent tout au long d’un récit envoutant dont le lecteur n’aura de cesse de connaître l’épilogue. De la rencontre d’un enfant qui ressemble tant à Patrick, aux recommandations de Léonard de Vinci à son encontre, la scénariste brouille habilement les pistes entre réalité et fiction, pour mieux surprendre le lecteur.

On retrouve avec bonheur le trait réaliste du dessinateur Joël Alessandra qui aura pris la pleine mesure d’un scénario oscillant entre le XVème siècle et nos jours, notamment en marquant les périodes bleues correspondant à la vie peu palpitante du gardien de musée contrastant avec les couleurs chatoyantes d’une Toscane flamboyante.

Une mention particulière est à ajouter pour un superbe cahier graphique de l’aquarelliste Joël Alessandra, qui complète bien l’album.

LE VOYAGEUR Théa ROJZMAN/Joël ALESSANDRA Éditions Daniel MAGHEN 150 pages 26,00€

Bernard LAUNOIS

 

Voir les commentaires

Rédigé par Bulles de Mantes

Publié dans #Coup de coeur Bernard LAUNOIS

Repost0