Difficile de se faire une réputation d'espion à la cour du roi Louis XIV lorsqu'on est un ancien détenu vénitien. Heureusement Pietro Viravolta, plus communément connu sous le pseudo de "l'Orchidée noire", débarque en France avec de sérieux gages d'être une des plus fines lames d'Europe. Une tentative d'assassinat du roi va le propulser dans les arcanes du Tout-Paris où les comploteurs contre le roi sont légion. On constate une fois de plus que les ennemis peuvent être partout et ne sont pas souvent ceux que l'on croyait. Rapidement embringué dans un imbroglio des plus scabreux, sera-t-il alors à la hauteur de ses exploits vénitiens ?
Voilà une enquête policière des plus intéressantes, remarquablement bien scénarisée par l'écrivain Arnaud Delalande, qui connaît de nombreux succès avec des romans traduits dans une vingtaine de pays, tels que Notre-Dame sous la terre ou encore Les fables du sang. Pour cette première adaptation en bande dessinée tirée de sa série en 5 tomes, Le piège de Dante, autant dire que le contrat est rempli et ce, mené tambour battant ! Avec des dialogues alertes, des rebondissements divers nombreux, le final de ce premier opus apparaît au lecteur pour le moins inattendu.
On retrouve avec grand plaisir un Éric Lambert au sommet de son art, avec son dessin hyperréaliste collant parfaitement au récit. Les décors sont particulièrement fouillés, particulièrement bien mis en valeur par la mise en couleurs numérique de Filippo Rizu. On ne pourra que s'extasier devant les paysages vénitiens, parisiens et versaillais du XVIIIème.
Les récits de cape et d'épée sont nombreux et variés mais ce dernier retient toute l'attention à la fois par sa construction de l'intrigue mais également le rendu d'un dessin efficace. Cette série, à priori conçue sous forme de one-shots devrait ravir assurément un large public.
Après Sykes, le duo Pierre Dubois et Dimitri Armand remet le couvert pour réaliser l’excellent western Texas Jack aux éditions Le Lombard. La venue de Dimitri Armand sur le festival Quai des Bulles était l’occasion de parler de cet album et plus généralement de son regard sur la bande dessinée.
Bonjour Dimitri
Votre première collaboration avec le scénariste Pierre DUBOIS a eu lieu en 2014 avec Sykes, comment ça s'est passé cette fois-ci ?
En fait, ça c'est très bien passé. Au départ, c'est le Lombard qui nous a mis en relation et on s'est tout de suite très bien entendu. Je pense que, du coup, c'était assez astucieux de la part du Lombard, de nous mettre en relation. Je pense que ça a assez surpris les gens qui s'attendait de voir Pierre DUBOIS sur du western alors que l'on l'attend plutôt sur des elfes.
Plutôt de sujets poétiques comme il a l'habitude de le faire.
Là aussi, il y a de la poésie (rires)
Je ne suis pas convaincu qu'ici, ça soit la même !
Comme ça s'était super bien passé avec le premier album, on a remis le couvert pour Texas Jack qui va bientôt sortir.
J'ai eu l'occasion de le lire et de l'apprécier tout particulièrement. Quelles sont les méthodes de travail entre Pierre et vous ?
Avec Pierre, c'est un peu particulier qu'avec les autres scénaristes, car le scénario était écrit comme une nouvelle, donc sans découpage BD, pas de page 1, case 1... C'est donc moi qui aie dû découper l'album. De plus, c'est un scénario manuscrit ! Je dois dire que ça m'a surpris au début, j'ai plutôt trouvé cela plutôt charmant. De voir le scénario écrit et pas du tout découpé, j'ai trouvé ça plutôt intéressant au final.
Une fois le découpage réalisé, lui avez-vous envoyé ? De quelle manière est-il intervenu ou pas ?
En fait, pour ainsi dire jamais ! En gros, ce sont deux choses qui m'ont fait peur au départ : le fait que le scénario ne soit pas découpé et le fait d'être livré un peu à moi-même. Au final, ça été les deux choses les plus enrichissantes sur ces projets-là. Du coup, j'ai dû apprendre à découper un bouquin car normalement c'est un travail de scénariste habituellement. Ça m'a permis de me former là-dessus.
Un gros challenge alors ?
Effectivement et il y a des trucs que je regrette un petit peu au niveau mise en scène. J'aurai aimé après coup, les faire différemment mais malheureusement ou pas, ça fait partie de l'apprentissage. En plus, il m'a fait une confiance aveugle. C'est à dire que lorsque l'on a commencé à travailler ensemble, je faisais livrer les pages imprimées par courrier, 5 à 6 pages dans un premier temps et il a tout adoré. J'ai eu que des retours dithyrambiques et chaque fois, il était ravi. Il n'a jamais eu rien à redire et pourtant au début, j'étais disposé à retoucher si c'était pertinent ou autre à suivre ses remarques mais il a toujours adoré ma façon sur ces bouquins-là de mettre en scène et de faire les pages. J'étais hyper libre et ça c'est vraiment jouissif.
C'est à la fois libre et contraint par un énorme challenge car c'est quand même un album qui fait 120 pages, tant pour le découpage que pour la réalisation ensuite ?
Bah oui, au départ il devait faire la taille de 75 pages mais le problème, c'est que le manuscrit faisait déjà 90 pages et qu'en faisant le story-board, au fur et à mesure, je me rendais compte que j'allais exploser la pagination. Je n'ai pas voulu décaler la date de sortie car on s'est dit avec l'éditeur que ce serait bien de le sortir pas très de loin de Sykes.
Pourquoi pas en deux albums alors ?
Ça été pensé, le souci c'est que c'est vraiment une quête et que dans la première partie, il n'y a vraiment d'événements mais plus la relation entre les personnages qui va se tisser tout le long de l'album et du coup, coupé en deux, s'aurait fait un premier album où il ne s'y passe pas vraiment grand chose. Il aurait alors fallu réécrire la structure.
Je ne suis pas tout à fait d'accord quand vous dites qu'il ne se passe rien dans la première partie.
En fait, je pense que ça aurait un peu cassé la montée en puissance de l'intrigue et des relations entre les personnages et la rencontre finale.
Texas Jack ressemble, par certains côtés, à Buffalo Bill et son côté grand spectacle, comment avez-vous appréhendé le personnage ?
C'est une autre chose qui m'a beaucoup plu dans l'écriture de Pierre, c'est que quand je lis son scénario, j'ai tout de suite des images qui me viennent et en fait, lui je l'ai toute de suite imaginé comme ça. Oui, c'est une forme de Buffalo Bill.
Où tout est dans l'apparat quand même? Dès les premières pages, il est dans un spectacle, en représentation, tel que je l'ai compris ?
Oui, c'est exactement ça !
Sauf qu'à un moment, il va se retrouver dans la vraie vie.
Et il va vite le regretter !
Il va va se faire piéger ?
C'est ça qui était intéressant, c'est que comme graphiquement, j'avais fait Sykes avec un personnage plus sombre, les yeux fatigués, une moustache noire... J'ai vu cette espèce de petit minet, blondinet, toujours avec le sourire ridicule. Mais, c'est son personnage !
Ce que je trouve important dans cet album, c'est que vous avez dessiné vraiment des "gueules" au sens où nous avons des personnages burinés, des visages et des postures expressifs. Il apparaît très important d'avoir cette densité dans ces personnages qui évoluent dans de superbes paysages. Par contre, beaucoup de violence, ce qui n'est pas dans les habitudes de Pierre DUBOIS, plutôt dans un registre poétique. Est-ce que cela vous a gêné ?
Non, je pense même qu'il s'est plutôt amusé de ce côté-là parce qu'il savait qu'au contraire, j'aimais bien dessiner ce genre de scènes. La violence n'est jamais gratuite parce que même si j'ai tendance à exagérer les impacts de balles ou autres, au final ça met en avance la faiblesse de Texas parce qu'en temps que lecteur, on va s'identifier à Texas Jack qui est en fait en dehors de tout ça car il tire sur des assiettes et c'est tout. On prend presque pitié de lui a un certain moment dans l'album.
Cet album est vif, rythmé et l'on sent que vous avez pris un réel plaisir à le réaliser, je me trompe ?
Non, vous ne vous trompez pas, je me suis clairement éclaté. Il m'aurait fallu clairement six mois de plus pour vraiment le faire comme je voulais.
Près de 125 pages, on ne s'ennuie pas un seul instant. Quel a été la recette pour tenir le lecteur en haleine ?
La grosse qualité de Pierre sur cet album réside dans la multiplicité des personnages qui ont tous des dialogues qui vont les présenter avec toutes leurs personnalités. Ce que j'aime beaucoup dans le travail de Pierre Dubois c'est qu'il n'y a pas dialogue gratuit. Tout ce que les personnages vont dire, ça va les installer, les faire exister vraiment dans l'album.
Y aura-t-il une prochaine collaboration avec Pierre Dubois ?
On aimerait beaucoup en fait, L'idée d'une trilogie, on aimerait beaucoup faire rencontrer Sykes et O'Malley et le problème, c'est que Pierre a de superbes idées. Déjà avec Sykes, je m'étais dit que je ne ferai que cet album mais un jour, il m'a juste envoyé la suite et j'ai pas pu faire autrement que de plonger. Le problème actuellement, c'est qu'il faudra attendre un peu pour une nouvelle collaboration car je viens de commencer une nouvelle série au Lombard.
Vous faites partie des artistes à maîtriser la réalisation d'un western en bande dessinée et s'il fallait citer quelques noms d'auteurs que vous admirez dans cette discipline, ce seraient lesquels ?
Au début, je dirai qu'il y a François Boucq sur le Bouncer qui m'a bien inspiré, Ralph Meyer pour Undertacker avec un dessin très propre. On ne dessine pas du tout pareil tous les deux mais nous partageons un dessin assez lisse, assez propre comparé à Mathieu Lauffray qui va avoir un trait beaucoup plus lâché, beaucoup plus expressif. Il y a également Mathieu Bonhomme que j'ai découvert tard sur Texas Cow-boy. Album que j'ai adoré car il a, par exemple, un don sur les postures des personnages. Bien qu'il y ait très peu de trait, les personnages existent vraiment. Enrico Marini qui a toujours été une grosse influence pour moi. Je ne pense pas que mon dessin ressemble mais c'est dans sa façon de gérer l'efficacité des scènes, en fait. Marini est extrêmement impressionnant graphiquement mais quand on regarde bien, je sais que c'est facile à dire, ce sont des recettes assez simple, il va mettre en avant son personnage qui est au cœur de l'action, il va esquisser un morceau de décor, et tout envoyer à la couleur et ça va être super impressionnant. Il ne va jamais mettre trop d'information et ça c'est vraiment quelque chose que j'aime bien !
Je ne suis pas doué pour faire, comme par exemple, comme Otomo dans Akira où il y a là une débauche visuelle et malgré tout, ça reste d'une grande lisibilité et je trouve ça hallucinant. Pour ma part, si je commence à faire des traits partout, ça faire un truc illisible.
Là, justement, le trait est clair, c'est fluide
Merci ! J'ai essayé du coup de le rendre le plus lisible possible.
Et vous ne citez pas Jean Giraud, il ne fait pas partie des auteurs qui vous ont influencé ?
Bah non, je l'ai lu et c'est un passage obligé, j'adore son travail, je l'ai regardé régulièrement.
Lui aussi va avoir un dessin extrêmement fouillé et malgré tout assez lisible et puis il ne faut pas oublier que c'est un pilier de la bande dessinée franco-belge. C'est vrai qu'au départ, il ne fait pas vraiment partie de ma culture et quand vous m'avez posé la question, ce n'est pas un nom qui m'est sorti spontanément.
Propos recueillis par Bernard LAUNOIS dans le cadre du festival Quai des Bulles St Malo le 13 octobre 2018
Entre la sortie du très attendu tome 8 du spin-off « Kriss de Valnor », dessinée par Fred Vignaux, qui clôturera la série et l’information comme quoi c’est Fred Vignaux qui reprend la série Thorgal, l’interview de ce dernier, dans le cadre du festival Quai des Bulles à St Malo, tombait à point nommé.
Pour ce dernier opus, Kriss de Valnor a désormais un seul but : retrouver son fils Aniel. Pour le rejoindre au plus vite, elle a choisi d'escalader la Montagne du Temps. Mais l'épreuve s'avère bien plus cruelle qu'elle ne l'avait imaginé... Entre temps, Jolan poursuit son duel sans merci contre l'empereur Magnus.
Vous venez de terminer le tome 8 du spin-off « Kriss de Valnor » qui sera le dernier, comment l’avez-vous Vécu ?
Paradoxalement, la fin de cette série est un commencement pour moi et on en va en reparler plus tard dans l’interview, ça été un vrai plaisir et ce deuxième album clôt un beau diptyque qui forme une belle histoire très cinématographique, avec Mathieu Mariolle et Xavier Dorison, ça ne pouvait être qu’ainsi. Je m’en suis vraiment rendu compte à la fin car il y a eu des choses de semé dans le 1er tome qui se résolvent dans le second. Au final, ça se rapproche pas mal du tome les Archers qui est un petit film en soi. Comme cela va s’inscrire dans la continuité, cet album n’est en fait pas vraiment une fin.
Si cet album est très fluide dans la narration, il n’en est pas moins dense, avec beaucoup de cases mais aussi beaucoup de bulles, est-ce que cela t’a posé des problèmes particuliers ?
Il y a effectivement à certains moments beaucoup de dialogues notamment pour placer la psychologie des personnages mais ça alterne avec des pages beaucoup moins dense. Je ne le ressens pas comme ça, quand tu vois le nombre de cases dans « Neige », c’était beaucoup plus contraignant. Je pouvais néanmoins utiliser les fonds perdus, il y avait des panoramiques, là, la charte Thorgal est plus contraignante mais néanmoins créative. Ce qui est intéressant, c’est que ce soit un challenge et je n’ai pas vraiment rencontré de difficulté.
Quant à la densité, je trouve ça plutôt intéressant dans la bande dessinée car il ne faut que la bd soit lue en 20 minutes. Finalement, la densité pour moi, c’est important. Alors après, j’en avais discuté avec Rosinski, quand on regarde les Thorgal, ce que disait Van Hamme, il y a des albums de scénariste et des albums de dessinateurs. Donc, quand il lui présentait un album, il lui disait « Tu vois Grzegorz, celui-ci sera un album de scénariste, ce qui veut dire qu’il y aura plus de cases mais la prochaine fois, je te ferai plaisir en te faisant un album de dessinateur ».
Pour le prochain Thorgal, y a-t-il déjà des orientations ?
On va plutôt être dans le classique, avec une histoire complète.
Alors, si mes comptes sont bons, tu es le petit dernier arrivé dans l’équipe Thorgal et c’est toi qui a la charge et l’honneur de reprendre la série.
Surtout le poids…
Est-ce que tu ressens un gros poids, une grande pression à reprendre les albums de Thorgal ?
J’ai déjà deux tomes avec le spin-off, même si ça ne fait pas beaucoup, néanmoins, ça s’inscrit dans la continuité. Alors, c’est amusant parce que le poids, la bande dessinée est un métier solitaire, on est chez soi, on se bat contre soi, ses propres réflexions et le poids, on le rencontre lors de séances de dédicaces avec les lecteurs et là on se dit, que peut-être effectivement avec Thorgal, il faut se mettre un petit peu la pression.
Alors, c’est venu comment avec Rosinski pour que finalement, ce soit vous qui repreniez le personnage ?
C’est un peu une énigme, comme il l’a expliqué en conférence de presse lors de la passation, il retrouvait un peu de lui dans mon dessin. Je pense que c’est surtout cette énergie, le foisonnement. C’est vrai que j’aime bien, même dans les paysages, que ça vive et je sais que lui avec ses personnages, quand on lit un Thorgal, c’est le reflet de ses émotions tout au long d’une année, tout au long de la création. Le personnage bouge beaucoup et n’est pas forcément constant, c’est ça qui est intéressant. C’est vrai, je pense qu’en bande dessinée, on ne fait pas d’illustration, pas du dessin animée. En dessin animée, le personnage est toujours au modèle, il ne bouge jamais, tout le temps parfait. Moi, j’estime mais c’est ce qu’ils font en manga, toute proportion gardée, que le personnage doit vivre en fonction des cases, en fonction de ce qui se passe. Il n’est pas obligé qu’il soit toujours pareil, bien constant : le dessin des personnages, c’est le reflet de notre humeur du moment, sachant qu’il ne faut quand même pas que ça varie trop non plus.
Alors, tu parlais d’illustrations, j’ai cru comprendre que les albums Kriss de Valnor étaient réalisés de manière numérique.
C’est ça, tout à fait !
Du coup, ça fait une sacrée différence même si je trouve le dessin tellement dynamique que ça ne pose pas de problème. Maintenant quand on voit les dessins de Rosinski qui ressemble plus à des peintures. Pourquoi avoir choisi de se tourner vers des procédés électroniques, est-ce que Rosinski a-t-il vu cela d’un bon oeil ?
En fait, Rosinski est sensible à la nouveauté, il faut voir qu’il s’est toujours renouvelé dans sa carrière et là, je pense qu’il est intrigué par cette technique. On ne parle pas trop avec Rosinski de technique, traditionnelle ou numérique. Par contre, les originaux revêtent une grande importance car pour ma part, j’ai appris la bande dessinée en allant voir des originaux, en regardant comment les coups de pinceaux ont été mis. Avec quels outils, le dessin a-t-il été réalisé. A l’époque de mes débuts, il n’y avait pas Internet et je pense que c’est très important de faire des originaux car sinon les générations futures n’auront rien à regarder. Le traditionnel, le numérique, ce sont des techniques et quelles qu’elles soient, on fait toujours de la bande dessinée. Je ne pense pas qu’aujourd’hui, on voit quelles techniques sont utilisées mais je pense par contre qu’il est important pour Thorgal, c’est qu’il y ait des originaux.
Je vais sur le prochain album faire en sorte petit à petit à me remettre à faire des originaux.
C’est une très bonne idée, d’autant plus qu’aujourd’hui, il devient de plus en plus prégnant de ne pas se passer des revenus de la vente d’originaux.
Effectivement, ça peut être une part non négligeable dans la rémunération mais au-delà de ça, il y a aussi l’aspect retraite qui permettra peut-être de l’assurer un peu mieux.
C’est important également de posséder des originaux pour l’organisation d’exposition ?
Effectivement, après avec quelques auteurs qui travaillent en numérique, on se pose la question de créer des sortes d’originaux à partir de numériques en faisant réaliser un tirage papier de qualité, labellisé, signé et qui serait en quelque sorte le seul et unique original.
Je ne suis pas convaincu que ça rencontrerait un vif succès.
Cela pourrait marcher à la condition que beaucoup d’auteurs le font. EN fait, la question se pose vraiment, c’est vrai que l’on nous demande de faire de plus en plus vite des albums et que se pose le moment de laisser une trace.
Ne pourrait-on pas alors, alterner les pages numériques et traditionnelles dans un album ?
C’est une solution envisageable d’autant plus quand on sait que l’on va faire une illustration pleine page.
Concernant les originaux, j’ai lu dans l’interview d’un confrère, que Rosinski continuera à dessiner les couvertures. Est-ce qu’il est prévu que tu les réalises également un peu plus tard ?
En fait, ça me fait extrêmement plaisir que ce soit Grzegorz qui les réalise. Thorgal, c’est la bande dessinée de mon enfance et j’ai toujours vu Rosinski les faire et également, comme j’ai la casquette « cover artist » de la collection Mythologie (éditions GLENAT), cela ne me gêne pas que quelqu’un d’autre fasse la couverture à ma place, je trouve important qu’il y ait une homogénéisation des couvertures pour une série. De plus, c’est quand même Rosinski qui fait les couvertures dont quelques unes sont quand même mythiques. C’est pour moi un énorme cadeau, ça me fait extrêmement plaisir.
Par ailleurs, je sais que s'il arrête la bande dessinée, c’est qu’il a envie de se faire plaisir en faisant de la peinture.
Revenons à Kriss de Valnor, est-ce que Rosinski est intervenu sur ton dessin ?
Il est intervenu sur le premier album, alors que je lui avais envoyé les dix premières pages, en redessinant certaines cases en me montrant les émotions, les intentions, qu’il fallait faire passer. C’était plus un côté didactique qu’autre chose. Les modifications ont porté principalement sur le visage de Kriss, afin de transmettre une certaine émotion. Après, il m’a laissé réaliser l’album.
Quand je fais une planche, tout est transparent, je l’envoie à Rosinski, aux scénaristes et à l’éditeur, je montre à tout le monde.
Alors comment fonctionnez-vous avec le scénariste Mathieu Mariolle, comment recevez-vous le synopsis ?
Sur le premier diptyque, je suis arrivé alors tout était déjà a peu près bouclé. Par contre, pour le second, Mathieu a fait un synopsis qu’il nous a soumis (le dessinateur et Gauthier Van Meerbeeck, directeur éditorial des Éditions du Lombard) et après quelques petits ajustements, Mathieu a fait le découpage. De toutes les façons, que ce soit au story-board, au niveau du scénario ou quand je fais mes encrages, il y a la possibilité d’intervenir à tout moment, de modifier. La planche faite, je la scanne et l’envoie au scénariste et à l’éditeur. En début de mois, j’envoie six à sept planches de story-board qui correspondra aux planches encrées réalisées en fin de mois.
Tu as une puissance de travail, c’est dix à douze heures par jour ?
Oui, c’est ça et d’autant plus cette année que j’avais un « Neige » à faire ! Je m’étais engagé auprès des deux éditeurs, Glénat pour Neige et Le Lombard pour Kriss de Valnor, à respecter les délais de chacun et ça été complètement transparent pour eux. Maintenant, le challenge est de ne faire que Thorgal pour les deux à trois années à venir et les couvertures de Mythologie car c’est un vrai plaisir de les dessiner. L’objectif étant de faire un album de Thorgal par an, sachant que je ne ferai pas les couleurs.
Ne ressent-tu pas alors une frustration à ne pas faire les couleurs ?
Non, les couleurs de Thorgal, ce n’est pas celles que je ferai.
Donc, du coup, si tu fais des originaux de Thorgal, il faudra que tu t’adaptes à ces couleurs ?
Non, on va revenir sur du noir & blanc. Je ne vais pas faire de la couleur directe sur les planches de Thorgal. Pourquoi aussi, parce que sa couleur, c’est une patte qui lui est propre ; sa façon de faire les couleurs est hyper personnelle. Honnêtement je peux plus refaire ses encrages que sa couleur. Même si sur Neige, je m’approchais un petit peu de ce côté pictural. En fait, c’est un travail de lumière, c’est très structuré. Comme je travaille en numérique, c’est possible mais ce n’est pas l’intérêt de faire ça. Je pense que beaucoup de lecteurs sont sensibles à l’encrage. Je ne sais pas si c’est mieux ou moins bien mais moi, j’ai envie de revenir à de l’encrageclassique comme j’ai fais sur Kriss. Donc, pas de frustration sur la couleur et après, j’ai une approche couleur dans le sens où quand je fais mes encrages, je pense au sens des lumières et à ce que va faire le coloriste après. Pour Gaëtan, j’essaie de lui offrir le maximum de documentation, de lui décrire le maximum de mes intentions afin qu’il puisse bien travailler.
Revenons à Thorgal, de qui sera le scénario du prochain ?
De Yann, je suis actuellement sur les premières planches. Avec Yann, c’est un bon dialogue qui s’instaure entre nous et il y a un truc très marrant, c’est qu’il propose sur son synopsis des versions alternatives et que je suis allé souvent sur ses versions alternatives ! Il fait en sorte ensuite de réajuster. Ce que je ne sais pas, c’est si c’était des perches qu’il me tendait pour voir un peu comment je réagirai. Une fois les ajustements, il a fait entièrement tout le découpage de l’album, ce que j’aime particulièrement car ça permet à chacun de tenir sa place.
Propos recueillis par Bernard LAUNOIS dans le cadre du festival Quai des Bulles St Malo le 13 octobre 2018
Alors que la Chine populaire de Mao Tsé-Toung est en pleine expansion, la jeune mariée au soldat Petit Wu n’a pas conscience que dans ses trois demandes faites à son mari quand il retourne dans son régiment, le dernier sera exécuté à la lettre : «Tu dois me jurer que tu obéiras à tes chefs ! Sans avoir peur de souffrir pour monter en grade et me donner une vie heureuse ! ». Fort des injonctions de sa jeune épouse exigeante qu’il désire conserver, Petit Wu va donc devoir se plier à toutes les exigences de la vie militaire mais assurément pas comme il l’aurait imaginé. Voilà que désigné comme ordonnance auprès d’un colonel, ce dernier lui demande d’être à l’entière disponibilité de son épouse alors qu’il est appelé à Pékin pour une durée de deux mois.
Petit Wu s’avère être un bon petit soldat révolutionnaire prêt à tout pour gravir les échelons hiérarchiques, et bien que plutôt naïf de nature il comprend rapidement qu’il doit s’apparenter à un parfait caméléon s’adaptant à toutes les situations, et quelles situations !
Mais que Tante Liu, jeune et jolie épouse du colonel, a-t-elle dans la tête ? Comment compte-t-elle traiter ce jeune freluquet, tout juste bon à lui servir des petits plats ?
Après Apache et l’excellente biographie du boxeur Panama Al Brown, l’auteur Alexandre Widendaele, plus connu sous le nom d’Alex W. Inker, frappe encore très fort avec ce troisième opus.
Sur une adaptation du très controversé livre éponyme de Yan Lianke, Alex W. Inker entraîne le lecteur dans une satire de l’univers de l’Armée rouge où cette organisation et sa propagande ne sont guère épargnées. A chaque album sa technique de dessin et ses codes graphiques : Servir le peuple apparait conçu comme les lianhuanhua, bandes dessinées chinoises qui recèlent de superbes illustrations très fouillées, remplies de décors et de personnages en pied.
Les dessins faussement naïfs sont rehaussés par des couleurs à dominante rouge et verte formant une ambiance surannée de bon aloi.
Une mention particulière pour les éditions Sarbacane qui ont réalisé un bel objet, fort soigné, mettant un joli écrin à ce bel album, tout en sensualité.
Immanquable !
SERVIR LE PEUPLE W. INKER Editions SARBACANE 202 pages, 28,00 €
La cyber, préfixe mystérieux apparu il y a maintenant une cinquantaine d’années pour regrouper tout ce qui concerne la fameuse révolution numérique, est aujourd’hui volontiers mise à toutes les sauces. Et quand elle touche à la Défense nationale et qu’elle s’appelle cyberdéfense, elle revêt un caractère d’autant plus mystérieux qu’elle appartient à la « grande muette ».
Alors, quand un cliché représentant le chef de l’État en slip léopard dans les appartements de son amoureuse circule sur le net et ce, de manière virale, cela s’apparente vite à un scandale d’état qu’il faut tuer dans l’œuf. Et puis il faut redorer le blason d’un service qui aurait failli : rien de tel alors que de proposer à une émission d’actualité la présence d’un journaliste, pour montrer tout le sérieux d’une telle organisation. Seulement le reportage va-t-il se dérouler comme prévu ? Les situations plutôt cocasses s’enchainent et le lecteur va tomber de Charybde en Scylla, ne sachant plus s’il nage en plein délire ou pas.
Réalité ou fiction, telle est la question, que nous délivrent là les scénaristes regroupés sous le nom de Cépanou afin sans doute de ne pas être reconnus. Le lecteur jugera de lui-même… Le dessin de Clément Oubrerie, récemment mis à l’honneur au festival BD Quai des Bulles 2018, fait merveille, collant parfaitement au scénario.
Il n’empêche que malgré le caractère humoristique et d’autodérision que les auteurs ont voulu donner à cet opus, la cybercriminalité combattue par ce service reste un problème grave qui est pris à bras le corps et qui n’apparait pas toujours évident à endiguer. Car malgré les compétences avérées des personnels qui composent la cyberdéfense, force est de constater que les hackers ont toujours un coup d’avance et qu’il appartient non seulement de se prémunir contre les attaques mais également de les anticiper.
A la manière du diptyque « Quai d’Orsay » qui avait ravi bon nombre de lecteurs à commencer par les protagonistes, souhaitons que ce Cyberfatale remporte le même succès tout aussi mérité.
CYBERFATALE T1 si ça sort, on est morts Editions Rue de Sèvres 56 pages, 15.00 €
De la Mangouste à Judith Warner en passant par colonel Amos, les albums XIII Mystery auront apporté un vrai plus à la série mythique, qui a tenu en haleine des milliers de lecteurs et fait de cette saga une des plus marquantes en bd des trente dernières années. Si la suggestion d'Yves Shlirf, directeur éditorial de Dargaud Benelux, de faire un focus sur treize personnages de la série au travers de cette nouvelle collection apparaissait plutôt comme une machine à cash pour continuer à faire fructifier la série, elle s'est vite révélée comme une idée géniale. Il faut dire que les Éditions Dargaud avait mis les petits plats dans les grands en demandant aux plus grands scénaristes et dessinateurs du moment de se lancer dans le projet. Quel challenge pour ces auteurs que de marcher sur les pas du talentueux Jean Van Hamme au scénario et du regretté WilliamVance au dessin et de réaliser des albums d'exception.
L'ultime opus, Judith Warner, ne fait pas exception à la règle, avec le talent du dessinateur Olivier Grenson qui éclate encore de tous ses feux sur le scénario diabolique du scénariste créateur de la série.
L'histoire débute dans la station balnéaire de Santa Barbara où Jessica Martin tente d'oublier un passé de tueuse à gages, et d'échapper aux griffes du FBI qui la traque inlassablement. Il aura fallu la rencontre de sa logeuse d'un soir, la pharmacienne Judith Warner retranchée dans la petite bourgade, pour que leurs vies basculent. Jessica réalise rapidement que Judith a traversé comme elle la route de XIII. Les deux femmes se découvrent, se plaisent et se rapprochent : heureuse ou malheureuse circonstance, la nasse se referme petit à petit et Jessica n'a de solution que dans la fuite, entraînant Judith dans son sillage. Va s'ensuivre un incroyable et haletant road-movie dont Jean Van Hamme a notamment la spécialité, remarquablement mis en valeur par le beau trait hyperréaliste d'Olivier Grenson, et rehaussé par de belles couleurs chatoyantes dont il a le secret. Se sortiront-elles du guêpier dans lequel va l'entraîner Jessica ?
Alors, si vous n'avez pas encore franchi le pas et découvert la série Mystery XIII, cet album vous donnera assurément l'envie d'en savoir plus.
Indispensable.
XIII Mystery T13 Judith Warner VAN HAMME/GRENSON éditions DARGAUD 48 pages 12,00 €
Ours et Renard en ont assez de ne pas trouver de quoi remplir leurs panses et comme dit le proverbe, changement d’herbe réjouit les veaux ! Les voilà donc partis à l’aventure dans une contrée où ils ne sont pas attendus ! Ici, le chapardage coûte cher et Renard va en faire les frais puisqu’il se retrouve chez le comte de Barback, un ogre qui mange plus que de raison. Seulement, il a d’autres projets pour Renard, celui de l’aider à trouver une épouse. Voilà Renard bien embêté, affublé d’un ogre laideron et au sujet duquel il se demande bien ce que ce dernier va pouvoir lui trouver comme promise.
L’auteur complet Nicolas Dumontheuil n’a pas fini de nous étonner et surtout de nous ravir avec des histoires bien ficelées. Cette fois, c’est une fable des plus réussies qui va nous être narrée, entre Le Roman de Renard et Shrek. Grâce à des dialogues drôles, des situations ubuesques, beaucoup d’imagination et un zeste de folie, le lecteur sera vite emporté dans cette saga. Reste que le tour de force de ce diable de scénariste réside dans le fait que les caractères et personnalités de chacun se révèlent souvent contraires à celles que l’on pourrait attendre !
Quant au dessin, entre Sylvain et Sylvette et le canard Gédéon, tout à fait approprié à l’histoire, il permettra au lecteur de bien s’immerger dans ce petit bijou. Les animaux croquignolets évoluent dans un décor luxuriant aux couleurs chatoyantes.
Riche de près d’une centaine de pages, cet opus ravira petits et grands avec une fable bien revisitée, à l’apparence naïve.
Tout amoureux de la bande dessinée et de ses auteurs se doit de venir flâner dans les allées du festival Quai des Bulles de Saint Malo qui se déroulera les 12-13 et 14 octobre 2018. Chaque année, les organisateurs se décarcassent pour organiser assurément un des plus prestigieux festivals de bd, et cette année encore le programme s’avère des plus alléchants.
Voyez plutôt, du quai Duguay-Trouin où sont installés les auteurs en dédicace, les libraires et maisons d’édition, au Palais du Grand Large en passant par le Saint-Malo intra-muros, toute la ville vit au rythme de la bande dessinée et de l’image projetée.
Cette année encore le programme est particulièrement dense, et il suffit d’aller sur la page d’accueil du festival Quai des bulles 2018 pour attraper le tournis, tellement animations, expositions et autres débats et concerts de dessins sont proposés en nombre.
Alors, comme il faut bien faire un choix et ne pas réaliser un inventaire à la Prévert, je me restreindrai à vous faire une présentation de mes coups de cœur et inciter les lecteurs amateurs à fouiller le site pour de plus amples renseignements.
Pour commencer, en tout bien tout honneur, il convient de s’attarder sur l’exposition consacrée à Clément Oubrerie, invité d’honneur et créateur de la belle affiche qui aura servi de support de communication au festival, mais également créateur d’un spectacle musical dessiné.
L’exposition STERN réalisée par les frères Maffre (Julien au dessin et Frédéric au scénario) ne devrait pas laisser indifférent l’amateur de western et plus généralement tout admirateur de bel ouvrage.
Les master class sont également à l’honneur avec respectivement, Ronan Toulhoat, Jérôme Lereculey et Pierre Alary.
Bien sûr, il ne faut absolument pas oublier que plus de 500 auteurs vont consacrer trois jours à dessiner des petits Mickey sur les albums des petits et des grands.
Enfin, à l’heure de la digitalisation, il est à noter une excellente initiative de l’organisation d’avoir développé, en collaboration avec bdbuzz, une application téléchargeable sur Androïd et sur Iphone permettant d’avoir le programme du festival heure par heure, mais aussi des rencontres, animations diverses et variées, séances de cinéma… Bref, un excellent moyen de pouvoir sélectionner ses envies et ne pas en perdre une miette ! La collaboration avec bdbuzz ne s’arrête pas là puisqu’il est proposé, à partir de son mobile, dans le cadre de l’expo Chapeau bas, Spirou ! une chasse au trésor géolocalisée dans l’intra-muros, récompensée pour le meilleur chasseur.
Les amateurs éclairés de ce festival auront noté que cette année, comme tous les quatre ans pour cause d’organisation de la Route du Rhum, le festival Quai des Bulles se déroulera les 12, 13 et 14 octobre 2018, en dehors des vacances scolaires de la Toussaint.
L’auteur complet Olivier Tallec revient avec un troisième recueil de gags désopilants et tout aussi déjantés. Après les recueils Bonne Journée et Bonne continuation, la verve de l’auteur n’a pas pris une ride et l’on prend plaisir à voir comment ce dernier arrive à prendre le contrepied d’histoires dramatiques qui en deviennent hilarantes. Alors, est-ce uniquement par un cynisme exacerbé que le lecteur interloqué à la première vue finit par s’esclaffer et presque avoir des remords d’avoir éclater de rire sur des situations des plus dramatiques.
Les exemples sont nombreux car rares sont ceux, sur les quarante dessins, qui ne déclenchent qu’un sourire.
De l’oie qui court alors qu’elle s’est fait décapiter la tête et qui se demande ce qu’elle a bien pu faire de ses lunettes, aux élucubrations des escargots sur une plage qui prennent la pause pour se dorer la pilule en se plaignant qu’ils sont toujours mal installés, Olivier Tallec manie la dérision avec malice. Mais les gags n’ont pas forcément besoin de texte pour être risibles : ainsi la situation absurde de deux vaches qui font du trampoline en se délectant de bananes, avec en toile de fond un panneau publicitaire vantant ici la vente directe de MilkShake goût banane, suffit à faire rire l’auditoire. Le dessin semi-réaliste, particulièrement efficace, rehaussé par de vives couleurs aquarelles répond pleinement aux comiques de situation.
Contrairement à la citation de Pierre Desproges comme quoi l’on peut rire de tout mais pas avec tout le monde, il n’en est pas de même avec Olivier Tallec qui, avec talent, ravira assurément grand nombre de lecteurs.
Taciturnes, passez votre chemin !
JE REVIENS VERS VOUS TALLEC Editions RUE DE SEVRES 56 pages, 14,00 €
Rien ne va plus entre les Indiens du Dakota et les troupes américaines, qui font preuve de toutes les bassesses tant physiques que psychologiques. Le lâche assassinat du valeureux guerrier indien Sitting Bull dans la réserve de Standing Rock va mettre le feu aux poudres, car la période des explorateurs est bien révolue et son ultime compagnon de route, dit l’ « Indien », s’est mis en tête de le venger en exterminant toutes les personnes rencontrées. Jusqu’où ira-t-il dans cette course effrénée, sera-t-il rattrapé par ce capitaine français pétris d’humanisme, fraîchement arrivé sur les lieux ? Que faire, quel camp faut-il rallier, celui des soldats américains qui ne rêvent que de conquête de terres ou celui d’Indiens qui ont tout perdu, souvent femmes et enfants, et sont noyés par un mauvais alcool ?
Le scénariste Olivier Mau réalise ici une fiction des plus poignantes, décrivant le climat de haine entre deux peuples qui ne se comprennent pas ou ne veulent pas se comprendre, les idéaux étant assurément diamétralement opposés. Les dialogues, souvent crus, sont percutants et le récit est bien soutenu, au rythme des cavalcades pour un final aussi percutant qu’un uppercut clouant l’adversaire au sol.
Les remarquables dessins noir et blanc de Fred Druart soulignent le caractère anxiogène de cette course-poursuite. Les « gueules » des personnages évoluent dans des paysages d’hiver, pluie ou neige, au milieu des étendues de forêt, et qui sont d’un réalisme criant. Riche de deux cents pages, cet album devrait ravir les amateurs de western et au-delà les amoureux de belles histoires.
TOUT LE PLAISIR EST POUR MOI MAU/DRUART Collection HORS COLLECTION Editions GLENAT 200 pages, 22.00 €