Publié le 23 Janvier 2024

WAHKAN, du rififi sur les hauteurs de la Tour Eiffel

Il ne manquait plus que ça, une série de meurtres sur la Tour Eiffel alors que nous sommes en 1889, en pleine exposition universelle ! Les services de police sont sur les dents, déjà que la Tour Eiffel génère de nombreux détracteurs, ce n’est pas vraiment le moment d’en rajouter. Aussi, la pression sur la jeune inspectrice Eléonore Kowalski est forte d’autant plus que le commissaire a trouvé le moyen de l’affubler de Jules Castignac, jeune et frais émoulu à peine sorti de l’école ! Boulet ou véritable collaborateur qui va l’aider dans sa recherche du ou des tueurs en série ? L’inspectrice ne va tarder à savoir si elle a tiré le bon numéro.

Maxe L’Hermenier scénarise une véritable course contre la montre car le temps compte si l’on ne veut pas que les journalistes s’emparent du sujet. Mais au-delà de l’enquête rondement menée, l’intérêt du récit réside également dans les rapports, souvent houleux, entre l’inspectrice et le jeune arrivant ainsi qu’avec la hiérarchie policière. On remarquera des dialogues plutôt enlevés ajoutés à un bon découpage, donnant ainsi un rythme des plus dynamiques au récit.

A cela, on ajoutera les talents des deux dessinateurs, Brice Cossu et Alexis Santenac, déjà habitués à collaborer ensemble et cela se sent sur chaque page. Le dessin fluide, plutôt réaliste, s’avère tout aussi dynamique que le récit et il est rehaussé de superbes couleurs, bien dans le style art déco.

Un cahier graphique vient agréablement compléter cette enquête policière de bon aloi qui devrait ravir bon nombre de lecteurs et l’on peut espérer que ce one shot sera suivi de nouveaux épisodes.

WAHKAN Maxe L’HERMENIER/Brice COSSU/Alexis SENTENAC Collection Grand Public Editions DUPUIS, 72 pages 15,50 €

Bernard LAUNOIS

 

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Rédigé par Bulles de Mantes

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Publié le 22 Janvier 2024

LE MEUNIER HURLANT, quand le cocasse et le cynisme font bon ménage

Il est parfois bon d'avoir un grain de folie, voilà une citation du philosophe Sénèque qui pourrait fort bien convenir à ce scénario tiré du roman du finlandais Arto Paasilinna. Question grain, le meunier Gunnar Huttunen n’en a pas qu’un seul et surtout l’un est particulièrement fâcheux, c’est sa propension à hurler à tue-tête lorsqu’il est contrarié, troublant les nuits des villageois.

Nous sommes au sortir de la dernière guerre et le pays panse ses plaies. Aussi l’arrivée de Gunnar est plutôt saluée car il s’est mis en tête de retaper le moulin, permettant ainsi de moudre le grain mais également de tailler des bardeaux, matières fort prisées dans son village. Hélas, cet état de grâce n’est que de courte durée et il finit rapidement par se mettre à dos une bonne partie des habitants  qui n’auront qu’un objectif, le faire enfermer !

Heureusement pour lui, il reçoit rapidement le soutien de Sanelma Käyrämö, la jeune conseillère rurale, rapidement entichée de ce meunier peu ordinaire mais terriblement attachant. Mais comment vont-ils pouvoir se sortir de ce guêpier ? Comment faire face à la bêtise humaine, surtout quand elle est collective ?

Après La Forêt des renards pendus, voilà que Nicolas Dumontheuil adapte à nouveau et brillamment un roman d’Arto Paasilinna, et ce n’est guère étonnant car les récits de ce romancier correspondent plutôt bien au genre d’histoires mises en image par l’auteur : comiques, souvent sombres, mais aussi assurément tintées d’un fort cynisme.

Le dessin semi-réaliste de Nicolas Dumontheuil colle à nouveau de fort belle manière à ce récit enlevé mettant en scène des personnages atypiques, aux traits volontairement marqués, le tout mis en couleurs d’un sépia qui sied parfaitement à l’intrigue.

LE MEUNIER HURLANT Nicolas DUMONTHEUIL d’après le roman de Arto PAASILINNA Editions FUTUROPOLIS 152 pages, 24,00€

Bernard LAUNOIS

 

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Publié le 18 Janvier 2024

L’EXPERT, quand la compétence fait force pour découvrir la vérité

Alors qu’en 1977 l’Allemagne se trouve confrontée à une montée de tensions entre la classe dirigeante et les membres de la Fraction Armée Rouge, un tragique accident de voiture voit la perte d’une mère et de son jeune fils. Mais quel rapport avec la violence terroriste qui règne à ce moment-là ?

Or, il se trouve que Karl Martin, employé à la morgue, a assisté à la fuite du véhicule qui a percuté la voiture de Miriam et de son fils Marek sans pouvoir en distinguer le chauffeur. Revenu sur les lieux de l’accident, Karl récupère notamment les débris du feu arrière explosé lors de la collision entre les deux véhicules et s’enquiert auprès des garagistes environnants si un client n’est pas venu faire changer cette pièce endommagée. Et si le véhicule appartenait à un membre de la classe dirigeante, Miriam n’était-elle pas partie prenante dans la Fraction Armée Rouge ?

Karl Martin ne veut pas que cette affaire soit classée comme un vulgaire accident de la circulation alors que les tests qu’il a pratiqués sur Miriam ne comportent aucune trace d’alcool ni de substance susceptible de lui faire perdre le contrôle de son véhicule. Son retour sur les lieux de l’accident pourra-t-il révéler des éléments tangibles pour son enquête ?

L’autrice Jennifer Daniel livre là une enquête policière des plus singulières, servant de prétexte à présenter, trente ans après la fin de la dernière guerre mondiale, une vision satirique de l’Allemagne de l’Ouest, engluée dans la corruption des puissants au pouvoir.

Si le récit s’inscrit bien dans une période des années 70, il en est de même pour le dessin de Jennifer Daniel qui s’est attachée à rendre l’atmosphère pesante d’une Allemagne qui, trente ans après la fin de la guerre, se cherche. Cela se ressent notamment dans le traitement de ses couleurs numériques particulièrement froides, voire austères.

L’EXPERT Jennifer DANIEL Éditions CASTERMAN 200 pages, 25,00 €

Bernard LAUNOIS

 

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Publié le 15 Janvier 2024

LES DERNIERS JOURS DE ROBERT JOHNSON, ou l’art de l’autodestruction

Bien que décédé prématurément à l’âge de 27 ans, l’artiste musicien interprète et compositeur de talent Robert Johnson aura marqué le blues, et de manière générale il continue à influencer plusieurs générations de musiciens tels que les Rolling Stones, Led Zeppelin, Éric Clapton...

Cette reconnaissance se retrouve également dans la bande dessinée avec les albums de Jean Sé et de Jean-Michel Dupont et Mezzo qui sont notamment revenus sur la légende que traine ce musicien de génie, qui aurait vendu son âme au diable en échange d’être un grand virtuose de la guitare.

Frantz Duchazeau qui nous avait déjà gratifié du bel album Lomax consacré aux pionniers de l’enregistrement de folk songs, s’attache à narrer les derniers jours de Robert Johnson partagé entre sa quête d’une reconnaissance de son talent et sa capacité à s’autodétruire, anéanti par une jeunesse de souffrance qu’il traine comme un boulet.

Nous sommes dans les années 30, sur les routes poussiéreuses du Mississipi à suivre un jeune homme, flanqué de sa guitare acoustique et son inséparable bouteille de bourbon, qui passe de ville en ville pour chanter sa peine de vivre.

Le blues, il l’a dans la peau et il veut exprimer par sa musique à qui veut l’entendre le reflet de sa jeune vie de souffrance entre un père qui l’a abandonné à sa naissance et les coups assénés par son beau-père.

Seulement l’alcool le tue à petit feu et alors qu’il commence à prendre de la notoriété, il sent bien que ses forces l’abandonnent et que sa course contre la mort est engagée. Arrivera-t-il à rejoindre la non moins célèbre scène du Carnegie Hall de New York où tout musicien de l’époque rêve de jouer ?

Au récit fort bien construit s’ajoute le talent de Frantz Duchazeau qui fait partie des dessinateurs qui transcendent le noir et blanc avec des encrages profonds qui ici renforcent l’ambiance d’une Amérique raciste où il ne fait pas bon être de couleur.

LES DERNIERS JOURS DE ROBERT JOHNSON Frantz DUCHAZEAU Éditions SARBACANE 240 pages, 26,00 €

Bernard LAUNOIS

 

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Publié le 12 Janvier 2024

BRIGANTUS T1, Une force de la nature qui dérange

L’an 84 au fin fond de la Calédonie, future Écosse, des légionnaires commandés par le général Cnaeus Iulus Agricola tentent de conquérir de nouveaux territoires, et ils confrontés à un terrain accidenté et marécageux qui plus est, sous une météo détestable. La tâche est loin d’être aisée et les combats contre des autochtones aguerris sont rudes pour tous ces hommes qui préfèreraient assurément être dorés par le soleil méditerranéen plutôt que de subir les affres d’une météo écossaise.

Seul Melonius Brigantus, une force de la nature, infatigable serviteur de Rome toujours prêt à accomplir les basses besognes, semble devoir s’acquitter de son devoir avec ténacité et courage suscitant du coup des jalousies de la part de ses congénères qui ne manquent pas de le railler, allant jusqu’à le traiter de Picte.

Quel avenir pour cette fidèle machine de guerre née de l’union d’un légionnaire et d’une prostituée, au milieu d’une troupe qui lui est plutôt hostile alors que lui ne rêve que de trouver la lumière, celle qui le guidera vers de meilleurs cieux ?

On retrouve avec plaisir tout le talent de conteur du scénariste Yves Huppen, qui construit ses scénarios comme s’ils étaient destinés au neuvième art. Il réalise un récit qui cette fois se déroule dans l’antiquité romaine, une période que le talentueux Hermann n’avait plus dessinée depuis ses tout débuts, il y a plus de 50 ans. Combats acharnés dans des conditions cauchemardesques, culture de la haine même au sein de son propre camp, bassesses diverses et variées… Voici des ingrédients que l’on retrouve également dans les westerns qu’affectionne de dessiner Hermann et c’est sûrement ce fil conducteur qui a conduit à une telle réalisation.

Cela fait de nombreuses années qu’Hermann est au sommet de son art mais jusqu’où ira-t-il ? Car peu importe la période dessinée, il y a toujours chez lui un éternel renouvellement, une perpétuelle remise en question mais aussi une sortie de la zone de confort où il aurait pu se complaire.

Voici un beau récit remarquablement mis en image mais qui n’a qu’un seul défaut, celui d’obliger le lecteur à attendre la conclusion du diptyque.

BRIGANTUS T1 Yves HUPPEN/HERMANN Éditions LE LOMBARD 56 pages, 15,95€

Bernard LAUNOIS

 

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Publié le 10 Janvier 2024

AÏE ! LA DOULEUR SE TRAITE AUSSI AVEC HUMOUR, et faut voir comme !

J'ai la rate qui s'dilate, j'ai le foie qu'est pas droit, j'ai le ventre qui se rentre… sont des paroles de la chanson Je ne suis pas bien portant de Gaston Ouvrard que les plus de vingt ans ont certainement déjà entendues. Elles sont toujours d’actualité car ce serait encore aujourd’hui près de douze millions de français qui souffriraient de douleurs chroniques. C’est dire si le sujet est d’importance ! Et quoi de mieux que de traiter de manière humoristique les douleurs qui enquiquinent bon nombre de nos concitoyens ?

Mais pour cela, il fallait à la fois s’appuyer sur des données médicales qui ne soient pas farfelues et pouvoir les traiter de manière à distraire le lecteur tout en l’instruisant, et c’est là qu’intervient le scénariste Patrick Sichère, médecin rhumatologue spécialiste de la douleur. La réussite du scénario réside assurément dans sa potion de « remède à l’ennui » et permettra au lecteur, lors de moments d’égarement, de se replonger dans cette lecture désopilante.

Quel plaisir de retrouver Achdé dans un registre que n’aurait pas renié le maitre Gotlib et où l’on sent que le dessinateur a pris grand plaisir à réaliser les huit chapitres allant de l’ineffable mal de tête, générateur de bon nombre de frustrations conjugales, aux douleurs engendrées par nos pieds en passant par les rages de dents.

Alors hypocondriaques, douillets de service, si pendant toute la lecture de cet album désopilant le lecteur aura oublié tous ces maux qui lui pourrissent la vie mais aussi celle de son entourage, c’est que les auteurs auront réussi leur coup ! On regrettera peut-être seulement que l’album ne soit pas remboursé par la Sécurité Sociale…

 

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Publié le 8 Janvier 2024

LE BEAU PARLEUR, quand les rêves se transforment en désillusion

La vie du jeune Pedro en pleine forêt amazonienne est rythmée par son amour de la nature et celui de la lecture dont il se nourrit assidûment. Mais ce qu’il attend le plus au monde, c’est le retour de son Vicente, son aventurier de frère. Jamais avare de récits de voyages de plus en plus extraordinaires, Vicente transporte Pedro à chaque retour au bercail mais cette fois-ci, l’aventurier n’est pas à l’aise avec lui. Aussi Pedro va tâcher par tous les moyens de comprendre les raisons de l’attitude inhabituelle de son frère. Trop de choses sonnent faux, Vicente ne le mènerait-il pas en bateau ? Et si ses histoires s’avéraient sortir de son imagination pour cacher une réalité peu ragoûtante ? Le départ précipité de Vicente, pourtant à peine arrivé, va renforcer les soupçons de Pedro qui décide de se lancer à sa poursuite pour découvrir les raisons de cette fuite.

Excellente conteuse, la scénariste Teresa Radice construit cette fois un thriller qui s’avère des plus haletants pour le plaisir du lecteur qui n’aura de cesse d’en connaître la conclusion. Mais au-delà du récit d’amour entre frères, elle raconte le passage pour le jeune Pedro d’une enfance insouciante à la dure réalité de la vie d’adulte à laquelle il ne pensait pas être confronté de manière si subite et surtout si brutale. Avec un récit rythmé, où les rebondissements ne manquent pas, la scénariste Teresa Radice sait néanmoins aussi calmer le jeu notamment dans les moments de tête à tête salutaires entre les deux frères.

Mais point d’album réussi si le dessin ne suit pas et là, c’est un festival de pages fort bien dessinées et aquarellées, comme sait remarquablement le faire le dessinateur Stefano Turconi qui trouve le moyen d’égayer un récit malgré tout plutôt sombre.

C’est donc un bon album qui inaugure de fort belle manière la nouvelle ligne graphique de la collection Treize Etrange qui fête déjà ses trente ans, laissant augurer de belles choses pour l’avenir.

LE BEAU PARLEUR Teresa RADICE/Stefano TURCONI collection TREIZE ETRANGE éditions GLENAT 208 pages, 22,50 €

Bernard LAUNOIS

 

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Rédigé par Bulles de Mantes

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