Publié le 27 Avril 2021

CEUX QUI BRÛLENT, quand deux êtres finissent par se sublimer

Il ne fait pas bon faire partie de la gent féminine lorsque l’on intègre un commissariat de police new-yorkais où la misogynie suinte à chaque instant. C’est hélas ce que va vivre l’inspectrice Alex Mills que l’on vient d’affubler du sieur Pouilloux, le partenaire le plus ringard de la brigade. Déjà qu’elle a du mal à se remettre d’un accident de la route, la voilà encore plus fragilisée avec l’archétype du flic fonctionnaire qui transpire la loose. Que faire, sinon l’accepter et trainer ce boulet alors que l’on vient de les missionner sur l’affaire sordide d’un corps entièrement défiguré par de l’acide, et pour laquelle la Police scientifique n’a pu retrouver aucun indice ? Mais à quelque chose malheur est bon car c’est peut-être l’occasion rêvée de se distinguer et de montrer que l’image de femme frêle s’avère un cliché injustifié ?

De l’exploitation des faibles indices glanés autour de la benne qui a hébergé le corps à la traque dans les bas fonds de la ville pour trouver les auteurs de l’odieux massacre, l’auteur Nicolas Dehghani n’aura de cesse de montrer que les faiblesses de chacun peuvent se transformer en force. Le lecteur suivra nos deux lascars, unis pour le meilleur et pour le pire, dans ce qu’il y a de plus glauque et de plus sordide, déjouant de belle manière toutes les embuches qui se dressent devant eux pour un final des plus pathétiques. Au final, les deux personnages principaux se découvrent des talents et des sensibilités cachés qui ne demandaient qu’à se dévoiler.

Le dessin réaliste de Nicolas Dehghani, remarquablement encré et augmenté de couleurs en majorité froides, renforce le côté anxiogène du récit.

Au-delà d’une enquête menée tambour battant, la découverte de ces deux êtres, que tout oppose, s’avère assurément la clé de la réussite de ce beau récit à découvrir instamment.

CEUX QUI BRÛLENT Nicolas DEHGHANI ÉDITIONS SARBACANE 192 pages, 24,50 €

Bernard LAUNOIS

 

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Publié le 22 Avril 2021

Mademoiselle BAUDELAIRE, un vibrant hommage à Jeanne, cette muse si fusionnelle

Alors que Charles Baudelaire déclame des vers qui jaillissent de son imagination fertile, sa muse Jeanne Duval peine à sortir des brumes de l’alcool qu’ils ont distillé ensemble une bonne partie de la nuit. Tel un dandy débauché, Charles Baudelaire se perd chaque nuit un peu plus dans les bras de sa Jeanne, source d’une incommensurable inspiration. Jeanne, la « Vénus nègre » comme la surnomme Caroline Aupick, la mère de Charles, n’aura de cesse de magnifier l’homme qu’elle a tant aimé malgré les nombreux orages qui ont jalonné leur vie de couple.

Alors, quel avenir pour ce jeune homme totalement désargenté et atteint de la syphilis, ne pouvant se marier avec Jeanne tant qu’il sera sous la tutelle de sa mère ? L’avenir de Jeanne n’est guère plus réjouissant, haïe par la mère de Charles qui ne voit en elle qu’une mangeuse d’homme entrainant Charles dans le luxe et la luxure.

C’est à partir de la narration de Jeanne Duval alors que Charles Baudelaire créait Les Fleurs du Mal que l’auteur Bernard Yslaire s’empare, de fort belle manière, de leur histoire tout aussi dramatique que captivante.

Les 160 pages exaltantes narrent la drôle de vie de ce poète qui n’aura connu le succès, comme beaucoup d’artistes, qu’après sa mort. Et, si la luxure reste omniprésente dans cet opus, elle ne cache pas les affres du poète tiraillé entre une mère acariâtre et la maladie qui le ronge et finira par l’emporter.

Que Bernard Hislaire signe ses œuvres sous les noms d’Yslaire, Hislaire, Sylaire ou encore iSlaire, il n’a de cesse, tout au long de sa carrière, de raconter de belles histoires remarquablement mises en images. De Bidouille et Violette à Mademoiselle Baudelaire en passant par Sambre, la belle saga romantique, et par l’innovateur XXe ciel.com, Yslaire se remet perpétuellement  en question pour transcender ses œuvres, et ce dernier opus n’y fait pas exception.

Une mention particulière est à faire pour les Cahiers qu’éditent les Éditions Dupuis à l’occasion de sorties d’albums tels que celui-ci, permettant d’avoir un éclairage sur le processus créatif de l’auteur avec notamment toute la première étape de crayonnés et d’esquisses qui sont les fondations de l’album.

MADEMOISELLE BAUDELAIRE Bernard YSLAIRE Collection Aire Libre Éditions DUPUIS 160 pages, 26,00 €

Bernard LAUNOIS

 

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Publié le 18 Avril 2021

MARQUÉS Quand les souvenirs d’enfance se trainent comme un boulet

Oublier, c’est ce que Pablo alors âgé de 17 ans et Marta sa sœur de vingt ans tentent désespérément de faire depuis maintenant une dizaine années alors qu’ils ont subi un insoutenable traumatisme. Et ce n’est pas le travail de thanatopractrice de Martha et le petit boulot de Pablo dans une supérette qui vont les aider à se sortir de cette période difficile d’autant plus qu’ils sont livrés à eux-mêmes. Il y a bien pour Pablo les petites reventes de substances illégales mais ce n’est pas sans danger et sa  sœur ne veut plus qu’il y touche. Alors, quand il est repéré par un bookmaker dans sa salle de boxe, il finit par céder aux sirènes de l’argent et va participer à des combats clandestins. Alors que Pablo tente de se reconstruire, notamment avec la présence à ses côtés de Lydia, voilà qu’il apprend par son grand-père que sa mère, incarcérée depuis leurs séparations, bénéficie d’une remise de peine pour bonne conduite.

Décidée à régler des choses à sa sortie de taule, la mère de Marta et Pablo tentera-t-elle de renouer avec eux, en dépit du différend qui les oppose ? Marta et Lydia arriveront-elle à contenir les affres de Pablo qui cherche des solutions pour enfin, se reconstruire ?

Clairement, ces enfants ne sont pas nés sous une bonne étoile, entre une mère toxico et son julot qui ne cesse de les tabasser. Ainsi, dès les premières pages du récit, le scénariste Damian emporte le lecteur dans un imbroglio quelque peu inextricable, ménageant le suspense jusqu’à sa conclusion.  

Noir, c’est noir, le dessinateur Javier l’exploite avec intelligence en renforçant ses encrages qui se suffisent à eux-mêmes, tellement ils sont profonds et omniprésents. Grâce à son trait aiguisé, servi par un découpage efficace, le lecteur va rapidement s’immerger dans ses ambiances glauques si bien reproduites et n’aura de cesse d’en quérir le dénouement.

MARQUÉS DAMIAN/JAVIER Éditions ANKAMA 104 pages, 16,90 €

Bernard Launois

 

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Rédigé par Bulles de Mantes

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Publié le 14 Avril 2021

GUN CRAZY T1, attention ça défouraille sec !

Que peut-on bien faire pour se sortir d’une petite vie minable lorsqu’on n’a pas encore atteint la trentaine en plein cœur de l’Amérique des années 80, avec pour seul bagage un joli minois ? C’est la question que se sont posée Dolly Sanchez la blonde peroxydée et Lanoya O’Brien la black hispanique et… la réponse n’a pas tardé à jaillir : exploiter la cupidité des jeunes bouseux bêtes et méchants qui hantent les bars de campagne en quête de beuveries et de voyeurisme. Seulement sur le papier, cela s’avère plus simple que la réalité à laquelle elles vont être confrontées car cette Amérique des Redneck, est peuplée de soi-disant super-héros néonazis et de vrais tueurs en série qui eux, ne sont pas là pour conter fleurette !

Mais l’histoire ne résume pas à la rencontre des deux jeunes donzelles, prêtes à en découdre pour se faire une place au soleil, car parallèlement à leur virée, se déroule une série de meurtres de pédophile fomentée et réalisée par John St Pierre, violé par un prêtre à l’âge de 12 ans.

Le scénariste Steve D. s’en donne à cœur joie en embarquant le lecteur dans une Amérique déjantée que ne renierait pas un certain Quentin Tarantino où violence, sexe, fric facile mais également humour sont au rendez-vous. Avec des dialogues vifs et aussi percutants que les coups de fusil distribués à tout va, c’est un road trip déraisonné sur fond de route 66 et au volant d’une AMC Pacer, auquel le lecteur va assister et rapidement se prendre au jeu.

On retrouve avec plaisir le dessin hyperréaliste et dynamique de Jef qui colle parfaitement au scénario d’une période américaine à l’ère de Reagan où il règne encore un esprit de suprématie sur le reste du monde. Les personnages évoluent dans de superbes décors mis en valeur par des couleurs flashy des années 80.

GUN CRAZY T1 Steve D./Jef Collection Hors Collection Éditions  GLENAT 120 pages, 19,50 €

Bernard Launois

 

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Publié le 14 Avril 2021

IMPACT, deux destins qui n’auraient jamais dû se rencontrer

Quels rapports peuvent bien avoir deux êtres que tout oppose : entre Jean, ouvrier métallurgiste à la retraite qui voit ses forces diminuer alors qu’il vit dans EPHAD et Dany, la quarantaine en déshérence et aux prises avec la justice ?  A première vue rien, sinon qu’il y a une vingtaine d’années leurs destins se sont télescopés et ce, de manière bien singulière. Mais depuis cette rencontre fortuite et lourde de conséquences, aucun des deux n’a voulu parler du drame qu’il s’était produit.

Pourquoi avaient-ils intérêt tous les deux à taire ce qu’il s’était passé cette fameuse nuit ? Étaient-ils complices d’une sale affaire ? Toujours est-il que le temps avait passé mais que leurs blessures ne s’étaient jamais refermées.

Mais l’heure des comptes finit toujours par sonner. Après avoir multiplié les exactions, Dany n’a guère le choix que d’accepter de se rendre chez le psy s’il ne veut pas que sa peine soit commuée en détention. Quant à Jean, il se sait en phase terminale et qu’il lui faut délivrer sa conscience avant qu’il  ne soit trop tard.

Le scénariste Gilles Rochier plonge rapidement le lecteur dans un récit des plus sordides dans lequel le secret, s’il a été gardé par les deux protagonistes pendant près de vingt ans, va leur revenir à la tête tel un boomerang pour qu’ils finissent par se mettre à table. Avec des dialogues ciselés et une montée en puissance jusqu’à un final des plus inattendus, Gilles Rochier tel une araignée, tisse sa toile avec talent pour prendre le lecteur dans ses fils. Le dessin réaliste de Deloupy n’est pas en reste, en transcendant un récit des plus dramatiques.

IMPACT Gilles ROCHIER/DELOUPY Éditions CASTERMAN 104 pages, 18,00 €

Bernard LAUNOIS

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Publié le 7 Avril 2021

LA GRANDE PESTE T1, comme un éternel recommencement

Nous sommes en septembre 1347 et ce que vécut le jeune marin Baldus alors qu’il accostait en compagnie de ses frères hospitaliers un bâtiment chrétien apparemment inoccupé, va s’avérer être le début d’une histoire effroyable. En fait, point de désertion dans ce navire byzantin mais la présence omniprésente de la mort qui porte un nom : LA PESTE !

L’épidémie ne va tarder à contaminer tous les marins du bâtiment de l’ordre des hospitaliers y compris Baldus, qui ne devra sa survie que grâce aux soins prodigués par un vieillard après que son bateau vienne à échouer sur une plage calabraise. Dans les périodes de fièvre intense que traversa Baldus, la mort, qu’il frôla de peu, s’est matérialisée par la présence d’un cavalier noir détruisant tout sur son passage et qui ne cessera de le hanter au fur et à mesure de ses périodes d’errance dans sa traversée de l’Italie, à fuir tant la maladie que la folie des hommes. Arrivera-t-il à survivre dans ce chaos ? Sa rencontre avec la jeune Alixe sera-t-elle salvatrice pour le jeune homme qui ne sait plus à quel saint se vouer ?

Les scénaristes Cédric Simon et Eric Stalner traitent avec talent et originalité le thème de la peste, une autre pandémie qui aura marqué toute une génération et décimé l’Europe entière. C’est sous forme de chapitres, rythmés par des doubles pages explicatives sur les thèmes abordés, de l’ordre des Hospitaliers à la manie dansante en passant par les chasses aux sorcières et les flagellants, que se déroule leur récit passionnant et ô combien angoissant.

Renouant avec les périodes moyenâgeuses où il excelle tout particulièrement, Éric Stalner accomplit dans son style réaliste une remarquable mise en images, avec des personnages aux gueules burinées évoluant dans de superbes décors rehaussés par les belles couleurs de Claudia Palescandolo.

Alors, si bon nombre de lecteurs connaissent cette période tragique de l’histoire, ils n’auront de cesse de connaître le dénouement de ce récit palpitant, prévu en deux tomes. 

LA GRANDE PESTE T1 Le quatrième cavalier Eric STALNER/Cédric SIMON Editions LES ARENES BD 128 pages, 20,00 €

Bernard Launois

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Publié le 2 Avril 2021

LE CORPS EST UN VETEMENT QUE L’ON QUITTE, lorsque la grande faucheuse vient frapper à la porte

Julien vient d’avoir à peine 15 ans lorsqu’il intègre le club de rugby de Bordeaux pour devenir rugbyman professionnel. Sa fierté d’intégrer un des clubs les plus en  vue va, hélas, être de courte durée car un plaquage malencontreux lors des premiers entraînements va le plonger dans un coma profond dont il ne réchappera qu’après un long séjour en réanimation et après avoir vécu une EMI, expérience de mort imminente. Selon les spécialistes, cette EMI se matérialiserait par une sensation de décorporation suivie d’un état modifié de conscience et pour Julien, elle s’avère révélatrice d’un pan de sa jeune vie enfoui au plus profond de sa mémoire. Revenu à lui, il fait part à ses parents de cette sensation étrange alors qu’il était à deux doigts de perdre la vie, en la présence d’un prénommé Paul qui l’aurait incité à le rejoindre dans l’au-delà. Hallucinations, délire paranoïaque, les médecins restent dubitatifs mais pas son père, neurochirurgien, qui n’aura de cesse de lui faire oublier par tous les moyens la vision de ce Paul. Julien ne sait plus où il en est mais la seule chose qu’il a en tête, c’est de découvrir qui était le fameux Paul.

L’auteur Eric Liberge, seul aux commandes de ce bel opus, aborde la thématique des expériences de mort imminente par le biais d’un drame familial qui va se dévoiler au fur et à mesure du récit. Tout son talent réside dans sa capacité à captiver le lecteur pour un univers des plus obscurs où ce dernier  n’aura de cesse d’une part, de découvrir le terrible secret familial et d’autre part, de suivre avec intérêt le cheminement de Julien pour se sortir de révélations déstabilisantes au niveau psychologique. Au scénario fort bien construit s’ajoute une remarquable mise en images avec un dessin hyperréaliste en noir et blanc jusqu’au deux tiers de l’album puis en couleurs chatoyantes et ce, pour des raisons que le lecteur aura plaisir à découvrir.

Voilà un album à couper le souffle qui  ne pourra laisser le lecteur indifférent.

L E CORPS EST UN VETEMENT QUE L’ON QUITTE Éric LIBERGE Collection 1000 feuilles Éditions GLENAT 208 pages, 25,50 €

Bernard Launois

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