Publié le 8 Janvier 2025

BABOUCHKA & DEDOUCHKA Survivre et s’amuser au pays des Soviets, où le retour d’une vie héroïque et exemplaire

Comment les époux Siniavski, qui ont fui leur URSS natale, ont-ils pu atterrir dans ce pavillon de la banlieue de Fontenay-aux-Roses dans les années 70 ? C’est en retrouvant dans cette maison les écrits de son grand-père, Andreï, ajoutés aux nombreuses discussions avec Maria, sa grand-mère, que l’autrice Emma Siniavski revient avec tendresse et admiration sur le chemin parcouru par ses aïeux.

Andreï Siniavski, écrivain et professeur, a toujours été en rébellion contre le pouvoir et c’est dès 1956 qu’il décide de faire publier de la propagande antisoviétique en occident sous un nom d’emprunt jusqu’à ce qu’il soit démasqué dix ans plus tard. Condamné puis envoyé au goulag Dubrovlag où il séjourne 6 ans, il doit son salut à la ténacité de Maria qui a tenu au KGB et le fit sortir pour s’exiler en France.

Le goulag, des conditions de vie innommables à endurer mais, il en fallait plus que ça à cet homme hors du commun pour ne pas résister aux brimades et aux souffrances à vivre ainsi. Et c’est par la confection d’interminables missives adressés à Maria qu’il continua son combat en distillant des phrases qui, mises bout à bout, serviront à l’édition d’essais.

Dès les premières pages, la scénariste Emma Siniavski captive son lectorat par l’histoire incroyable qu’elle narre tout au long de cet album avec ce sentiment de fierté et de respect devant ces deux êtres qui, chacun à leur manière, ont su tour à tour, faire preuve de résistance, résilience, patience, autodérision, dissimulation… face à l’oppression.

Avec son trait fin, le dessin d’Emma Siniavski, plutôt stylisé, apparait particulièrement efficace pour narrer cette histoire pas ordinaire. On ajoutera une mise en page graphique sans cesse renouvelée au fur et à mesure des feuilles, renforçant la dynamique du récit.

BABOUCHKA & DEDOUCHKA Survivre et s’amuser au pays des Soviets Emma SINIAVSKI, Editions SARBACANE 128 pages, 22,00 € 02/01/2025

Bernard Launois

 

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Publié le 6 Janvier 2025

Henri de Turenne, sur le front de Corée, retour sur le quotidien d’un reporter de guerre

Alors qu’il était prévu qu’il se marie le mois prochain, le jeune reporter Henri de Turenne accepte la proposition de son rédac’ chef de couvrir pour l’Agence France Presse le conflit qui oppose déjà les deux Corées. Autant dire que le choc s’avère rude quand il passe de son lit douillet bien au calme à un lit de camp et un réveil au son des canons.

C’est en s’appuyant sur les articles de Henri de Turenne parus dans Le Figaro que le scénariste Stéphane Marchetti a fort bien bâti le scénario de cet album en lui donnant notamment un côté linéaire et dynamique offrant au lecteur une belle lisibilité. Au fil des pages, on découvre les nombreux talents du jeune homme, que ce soit par son allant, la qualité de ses reportages et sans parler de son talent d’écrivain… Quant au dessin hyperréaliste de Rafael Ortiz, rehaussé de couleurs intenses, il immerge le lecteur au sein des combats de la meilleure manière.

Un carnet historique sur le conflit fort bien documenté et accompagné de bon nombre de photos vient clôturer ce récit de la première expérience de terrain de guerre du jeune journaliste à qui l’on décernera, quelques mois plus tard, le prix Albert Londres pour ses articles sur la question parus dans Le Figaro.

A l’heure où les conflits se multiplient, cet album rappelle les conditions de vie, ou plutôt de survie qu’enduraient les journalistes de guerre dans les années 50 et qui déjà, au péril de leur vie, tentaient d’être au plus proche du conflit pour le décrire de la manière la plus objective possible : un sujet d’autant plus d’actualité qu’en 2024 le nombre de journalistes tués n’a cessé de croitre par rapport aux années précédentes, jusqu’à déplorer dans l’année le décès de 54 d’entre eux dont 31 en zone de conflit.

HENRI DE TURENNE, SUR LE FRONT DE CORÉE, Stéphane MARCHETTI/Rafael ORTIZ collection Aire Libre Éditions DUPUIS 120 pages, 25,00 € 18/10/2024

Bernard Launois

 

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Publié le 4 Janvier 2025

LE SECRET DU ROI T1, une plongée fantastique dans les services secrets du roi Louis XV

Suzanne est devenue, au fil des années, une chef de bande de brigands qui déjoue les services de la garde du roi en échappant à tous les pièges qu’on lui a posés jusqu’à… ce qu’elle tombe bêtement dans un traquenard. S’attendant à croupir dans les geôles de sa Majesté ou pire à se faire raccourcir, voilà que le roi Louis XV lui intime de rentrer dans ses services secrets.

Chance ou malchance, de toutes les manières Suzanne n’a guère d’autre solution que d’accepter sa première mission qui va consister à infiltrer le château du Comte Von Bofeld et tenter de récupérer un document qui pourrait changer la face de l’Europe. Seulement les ennemis sont partout et parfois pas là où on les attendait. Décidément, le monde dans lequel elle évolue maintenant n’a guère à envier à celui qu’elle a quitté ! Aussi, comment va-t-elle éviter tous les pièges que l’on lui tend ?

Le scénariste Matias Istolainen met en scène une véritable épopée de cape et d’épée qui pourrait se transposer aisément dans notre siècle car le récit s’apparente plutôt à un thriller des plus rythmés. De l’action, des dialogues truculents, des personnages attachants, du suspense, voilà que tous les ingrédients sont réunis pour transporter le lecteur dans une belle aventure haletante.

Le dessin de Benjamin Jurdic s’avère à l’image du scénario, tout en action, réaliste et fort bien mis en couleurs par Maxime Teppe. Avec des décors fournis où évoluent des personnages hauts en couleurs, on ne peut que regretter de devoir attendre quelque temps avant de tenter de suivre cette intrépide Suzanne qui a tout sauf froid aux yeux !

LE SECRET DU ROI T1 Bons baisers de Prusse Matias ISTOLAINEN/Benjamin JURDIC éditions LE LOMBARD 64 pages, 14,99 €

Bernard Launois

 

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Publié le 31 Décembre 2024

LES FESSES A BARDOT, et si ce n’était pas du cinéma ?

Trougnac, tranquille village où hormis les séances animées du conseil municipal, le Café des Sports où tout le monde a plaisir à venir commenter les derniers potins, les toiles du cinéma l’Eden, les messes dominicales, il ne se passe strictement rien ! Ah si, les matchs de foot avec notamment la bourgade de Poil dont le nom provoque inlassablement l’hilarité.

Cette sérénité ne va pas tarder à voler en éclat à l’occasion de la venue de Conrad Knap, jeune homme endimanché, à la recherche de décors pour un prochain film avec le duo Gabin/Bardot rendu notamment célèbre par En cas de malheur, le film d’Autant-Lara.

Seulement, comment prouver que l’on fait bien partie de la famille du cinéma sauf à brandir un plan coupé au montage montrant les fesses de Brigitte Bardot, ce qu’il fit ?

La nouvelle se diffuse comme une trainée de poudre : de Monsieur le Maire au curé du village, tous les notables mais aussi les administrés sont au courant de la fameuse photo et croient dur comme fer que le jeune homme est en quête d’un village et que maintenant, il va falloir user de trésors d’ingéniosité pour convaincre le prospecteur que le lieu idoine pour le tournage est ici.

Le scénariste Philippe Pelaez, épaulé par le dessinateur Gaël Séjourné, livre une comédie plaisante et dès le début, donne le ton avec une ambiance qui rappelle le cycle des Don Camillo où les joutes verbales entre les administrés sont légion. De l’exploitation de la crédulité aux jalousies exacerbées, le scénariste met remarquablement en scène bon nombre de travers des villageois et ce, pour le plus grand plaisir du lecteur.

Avec son dessin réaliste, Gaël Séjourné met en images et en couleurs de la meilleure des manières ce récit enlevé.

Enfin, on accordera une mention particulière pour les dialogues savoureux de films des années 50 qui rythment les chapitres de l’album.

LES FESSES A BARDOT Philippe PELAEZ/Gaël SÉJOURNÉ collection GRAND ANGLE Éditions BAMBOO 160 pages, 22,90 €

Bernard LAUNOIS

 

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Publié le 28 Décembre 2024

SILENCE SUR LE QUAI, grandeur et décadence des petites lignes ferroviaires vouées à l’abandon

C’est un combat de tous les jours que mènent les collectivités locales, les usagers mais également les cheminots pour la conservation des petites lignes dont la SNCF voudrait bien se débarrasser.

Dès sa plus tendre enfance, le scénariste Alain Bujak a voyagé sur ces lignes de chemin de fer notamment celle de Béziers-Neussargues pour passer des vacances chez ses grands-parents. C’était la période faste où la SNCF mettait un point d’honneur à desservir toutes les provinces. Seulement, cette période s’avère révolue et il faut se rendre à l’évidence que les petites lignes ferment les unes après les autres.

Le scénariste Alain Bujak transporte le lecteur au travers de ses pérégrinations pour rencontrer les acteurs du combat pour sauver des coins de la France profonde qui se meurent sans cet élément vital de transport qu’est le train. A l’heure où les pouvoirs publics ne cessent de ressasser qu’il faut avoir une conscience citoyenne en tentant de diminuer sa consommation de CO2, le scénariste démontre que deux théories s’affrontent, celle du profit et celle de l’écologie.

La mise en images d’Elliot Royer accompagne de la meilleure des manières un récit plutôt révélateur d’une France à deux vitesses, celle du tout TGV avec un remplissage de voyageurs et a priori rentable et celle du TER, souvent seul moyen pour une faible densité de population de rejoindre les grandes villes.

Une mention particulière est à faire pour un épilogue comportant de belles photos d’Alain Bujak mais également un message d’espoir avec l’annonce de la réhabilitation de 25 kms de voies dans le Cantal.  

Souhaitons que cet album apporte sa pierre à l’édifice de l’égalité de transport, quel que soit l’endroit où l’on habite.

SILENCE SUR LE QUAI Alain BUJAK/Elliot ROYER Éditions FUTUROPOLIS 98 pages, 19,00 €

Bernard Launois

  

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Publié le 18 Décembre 2024

FAUT PAS PRENDRE LES CONS POUR DES GENS T5, un retour salutaire sur la dérision de la bêtise humaine !

À qui le tour pourrait-on se demander en ouvrant le tome 5 de la série, tout aussi savoureux que les précédents ?

Si on a beau penser, de temps à autre, que l’on est le con de quelqu’un, on espère toujours que ce ne sera pas de tout le monde. Là, la connerie est mise en exergue pour le plus grand bonheur du lecteur et personne n’est épargné.

À croire que les sujets pleuvent et qu’ils sont intarissables puisqu’au scénario Emmanuel Reuzé, ainsi que Jorge Bernstein et Vincent Haudiquet les co-scénaristes qui depuis le secondent pour quelques planches depuis le tome 3, ont concocté une belle satire de la bêtise humaine sous toutes ses formes poussant parfois l’absurdité à son paroxysme. Tout passe à la moulinette de l’absurde façon Monty Python, que ce soient les pauvres, la pollution, les violences policières, les SDF…

Le tour de force de ces récits, c’est de manier l’humour noir avec une certaine dextérité sur des sujets souvent clivants, en mettant généralement le lecteur mal à l’aise à la lecture des premières vignettes pour qu’il finisse en éclat de rire sur la dernière case, du grand art.

L’album est découpé en gags d’une page ou en vignettes, et le dessin réaliste d’Emmanuel Reuzé colle parfaitement au récit.

C’est drôle, souvent caustique mais également rassurant car l’on se met à penser que l’on trouve plus c… que soi, quoique !

FAUT PAS PRENDRE LES CONS POUR DES GENS T5 REUZÉ BERNSTEIN et HAUDIQUET Éditions FLUIDE GLACIAL 56 pages 13,90 € (13/11/2024)

Bernard LAUNOIS

 

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Publié le 8 Décembre 2024

Remise du 11ème prix de la BD aux couleurs du blues le 23 novembre 2024 à l’espace culturel Jacques Brel de Mantes-la-ville dans le cadre du festival Blues sur Seine

Depuis 2014, la volonté des associations Bulles de Mantes et Blues sur Seine de mettre en évidence les connexions entre le blues et la bande dessinée se réalise notamment dans la création du Prix de la bande dessinée aux couleurs du blues.

Le Prix de la BD aux couleurs du blues récompense le meilleur album illustrant une thématique du blues ou des musiques afro-américaines qui en sont dérivées, ou encore illustrant le contexte social et historique en relation.

Pour ce vote, près d’une vingtaine d’albums parus entre juin 2023 et mai 2024 ont été examinés par un comité de lecture de Bulles de Mantes, pour sélectionner cinq titres dans la liste finale. Le jury, composé de représentants des deux associations, ainsi que des représentants des mondes de la lecture, de la musique, et de l’éducation, a eu à choisir parmi les cinq albums suivants présélectionnés pour concourir au prix :

  • Altamont par Hanna et Charlie Adlard (édition Glénat)
  • Amy Winehouse, collectif (éditions Petit à Petit)
  • Delta Blues café, par Philippe Charlot et Miras (édition Bamboo)
  • Les derniers jours de Robert Johnson, par Frantz Duchazeau (éditions Sarbacane)
  • The Velvet Underground, par Koren Shadmi (éditions La Boite à Bulles)

Avec cette année encore une belle sélection de nominés, la délibération du jury a permis l’élection de l’album Delta Blues café du scénariste Philippe Charlot et du dessinateur Miras, paru dans la collection Grand Angle aux éditions Bamboo.

La cérémonie de remise du prix a eu lieu avant les concerts de Mountain Men, Nat Meyer et Électro de luxe, samedi 23 novembre à 19 heures, à l’Espace culturel Jacques Brel de Mantes-la-Ville. Le dessinateur Miras, a fait le déplacement de Londres pour recevoir le prix ainsi qu’un chèque de 500,00 € des mains de madame Chantal Cippelletti, Présidente de Blues sur Seine et de monsieur Bernard Launois, Président de Bulles de Mantes. L’auteur s’est livré à une séance de dédicaces qui a remporté un franc succès, au point de dédicacer une quarantaine d’albums pour le grand plaisir des festivaliers présents.

Deux expositions de reproductions des planches de Miras tirées des albums de Delta Blues afé et Harmonijka ont été montrées à cette occasion dans le hall de l’espace culturel Jacques Brel de Mantes-la-ville, du 15 novembre au 5 décembre 2024.

Alors pour ceux qui n’auraient pas encore découvert cet album, en voici un résumé du récit : À l’occasion de la sortie de son film sur Robert Johnson, Du blues dans les veines, Laup, acteur noir de Guyane française, est encensé par la critique.

Seule ombre au tableau : le commentaire acerbe du professeur Moore de l’université du Mississippi, un vieil homme blanc spécialiste des musiques afro-américaines du début du XXème siècle.

Alors en tournée de promotion, Laup profite d’un passage dans la région pour rencontrer le professeur. L’accueil est glacial. Contre toute attente, le jeune acteur décide de suivre le vieil homme dans sa quête de disques oubliés… et d’un amour perdu.

Leur périple les conduit chez l’extravagante Jezie, ange gardien de ce Delta Blues Café où se réunissent les fans de blues, et où tout peut arriver, le meilleur comme le pire...

Chronique de Delta Blues café sur le Blog de Bulles de Mantes

Bernard LAUNOIS

 

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Publié le 4 Décembre 2024

LE PÈRE LACHAISE, « Chat » alors, s’il m’était conté

Rares sont les personnes qui n’ont jamais entendu parler du célèbre cimetière du Père Lachaise. Mais combien en connaissent l’origine et l’histoire des personnages célèbres qui y reposent ?

Fort de ses trois millions de visiteurs par an, ce cimetière parisien fait partie de ceux qui sont les plus arpentés. Mais assurément, ceux qui en ont fait leur terrain de prédilection, ce sont bien les chats gambadant parmi les 70 000 concessions que compte le célèbre cimetière. Aussi, c’est sûrement une des raisons pour lesquelles le scénariste Sébastien Floc’h a tenu à ce que cet animal familier soit le fil rouge des seize récits qui composent ce collectif.

De François d’Aix de la Chaize qui aura donné son nom au cimetière au chanteur des Doors Jim Morrison, une des tombes les plus visitées depuis son enterrement le 7 juillet 1971, le scénariste Sébastien Floc’h fait (re)découvrir la vie de seize pensionnaires qui ont atterri dans leur dernière demeure dans l’une de ces concessions. En retenir seize parmi les 500 recensées n’a pas dû être simple mais celles-ci, par leur niveau de célébrité, leur parcours parfois atypique, leur sépulture parfois insolite, les profanations diverses et variées que certaines ont pu subir ou encore la manière dont elles sont célébrées journellement, s’avèrent un choix des plus judicieux.

Énumérer les seize dessinateurs qui ont agrémenté les récits et ce, de fort belle manière, n’aurait guère d’intérêt dans ces propos car l’important reste de se délecter de leurs illustrations.

Que ce soit au niveau du scénario ou du dessin, cet album collectif ne laissera pas le lecteur indifférent, en l’instruisant, en l’intriguant, en l’amusant mais certainement en lui donnant l’envie d’arpenter les allées d’un cimetière hors du commun.

LE PÈRE LACHAISE Légendes, célébrités et sépultures insolites Sébastien FLOC’H/COLLECTIF Éditions DELCOURT, 162 pages, 23,50 € (13/11/2024)

Bernard LAUNOIS

 

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Publié le 1 Décembre 2024

JAADUGAR, LA LEGENDE DE FATIMA, sur les traces des femmes mongoles dans l’histoire

Déportée de Perse et vendue comme esclave alors qu’elle n’est encore qu’une enfant, Sitara s’avère ne pas être née sous une bonne étoile pour prétendre à une vie de petite princesse. Néanmoins, cela pourrait être pire car la famille qui désire l’acquérir a bien l’intention de lui apporter une bonne éducation afin qu’elle puisse servir ses maîtres et qui sait, en tirer un bon parti. Seulement, c’est sans compter avec le caractère de la bougresse qui, sous ses airs de gentille petite fille, cache un fort caractère, refusant la famille notamment parce qu’elle n’a pas l’intention de servir de singe savant.

Il suffira, par contre, de quelques jours auprès de ses nouveaux maîtres et plus particulièrement Mohammed, le plus jeune d’entre eux, pour lui faire comprendre que sa seule planche de salut réside dans l’apprentissage du savoir. Commence alors une formation des plus rigoureuses afin notamment d’être à même de réciter le Coran mais aussi de découvrir la science et l’art grâce à la lecture de livres détenus par ses maîtres savants.

Avec ce premier opus d’un triptyque, on découvre la relation que tisse Sitara avec son entourage et plus particulièrement avec Fatima, sa maîtresse qui va rapidement l’intégrer dans ses activités journalières jusqu’à se fasse entendre le bruit des bottes et son cortège de malheurs. Quel avenir pour Satira et Fatima alors que leur ville ne tarde pas à être assiégée ?

S’appuyant sur des faits historiques, l’auteur Tomato Soup fait revivre au travers de son manga les conditions de vie au XIIIème siècle au sein de l’empire Mongol et plus particulièrement celles des femmes, dans un récit mis en valeur par un dessin semi-réaliste de bon aloi.

Une belle intrigue, sur fond historique, qui mérite d’être découverte. 

JAADUGAR, LA LEGENDE DE FATIMA T1 Tomato SOUP, collection Seinen Éditions GLENAT 10,95 € (18/09/2024)

Bernard LAUNOIS

 

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Publié le 25 Novembre 2024

Interview de Romain RENARD pour son album REVOIR COMANCHE à l'occasion du festival Quai des Bulles 2024

Revoir Comanche, prix coup de cœur de Quai des bulles 2024, rencontre un vif succès qui méritait de revenir avec son créateur sur la création de cet album, son attachement à la série Comanche et plus particulièrement à l’album Le ciel est rouge sur Laramie.

Revoir Comanche peut se lire sans que l’on connaisse la série mais n’aviez-vous pas derrière la tête, de donner l’idée au lecteur de plonger ou replonger dans cette série mythique ?

En fait, c’était important pour moi de faire un livre qui pouvait se lire indépendamment de la série Comanche pour la simple et bonne raison que j’avais envie de travailler sur le mythe et travailler sur la mémoire. Et travailler sur quelque chose qui s’est passée, on ne sait pas si c’est vrai, c’est faux. Après, je considérais que tout ce qui avait été écrit par Greg et dessiné par Hermann était une histoire vraie et à partir du moment où je dis que ça, c’est une histoire vraie, il y a déjà un paquet de flingues et de cadavres qui trainent sur la route… Et à partir de ce moment-là, j’ai commencé à avoir un début d’histoire, de quelqu’un, avec qui ont vit avec ça. Comment vis-ton après 50 ans à avoir vécu ça ? Et c’est ça qui m’intéressait, de raconter la dernière piste, la dernière route d’un homme et surtout qu’est-ce qu’on fait de ça, qu’est-ce que l’on laisse, qu’est-ce qui restera de tout ça et, qu’est-ce qui restera de nous ?

Comment vous est venu l’idée d’imaginer un opus qui reviendrait sur une série culte telle que Comanche, série écrit par Greg et dessiné par Hermann, puis Michel Rouge ?

Très simplement, il y a 2 ans, on me propose de rejoindre le mook, journal de Tintin spécial 77 ans et, c’était pendant le repas, le nom de Comanche arrive à mes oreilles et très vite, je commence à avoir une histoire et à la fin du repas, je savais que j’avais une histoire de plus de 6 pages. Mais au lieu de ça, je propose plutôt à mon éditeur de faire un livre sur Comanche plutôt que ces 6 pages où je choisirais un autre héros. Et 2 ans après, voilà le résultat !  

Qu’est-ce qui vous a marqué dans cette série pour vous donner l’envie de faire un récit alors que les personnages sont au crépuscule de leurs vies ?

Bah, la fameuse dernière page du Ciel est rouge sur Laramie, évidemment ! Le moment charnière dans la bd franco-belge où un héros du journal Tintin va abattre froidement un homme désarmé.

Il fallait l’oser, à cette période-là…

Exactement, quelqu’un sans arme qui meure dans les poubelles. Et là, j’avais un départ d’histoire avec ça.

 C’est vrai que Greg était un formidable conteur associé à Hermann, un remarquable dessinateur, le duo était plutôt fantastique.

Complètement.

Quels arguments donneriez-vous pour donner envie de lire votre bande dessinée ?

Faites-moi confiance ! (rires)

C’est évident pour ceux qui vous connaissent mais pour ceux qui vous découvre… Je suppose que vous avez déjà des retours sur le ressenti des lecteurs ne serait-ce que lorsque l’on voit le succès en séance de dédicaces

Excellent !

Pour le lecteur qui vous découvre avec cet album, pouvez-vous revenir sur votre technique graphique ?

Pour Melvile, j’ai travaillé de manière traditionnelle, au fusain et au feutre. Je travaille tous mes flous au feutre puis je reviens, petit à petit, dans les détails avec du fusain, beaucoup de matière du fusain. Et puis, il se fait que je suis en train d’adapter Melvile pour le cinéma d’animation, le film sera terminé d’ici 2 ans mais j’ai dû beaucoup, beaucoup, travailler ce que l’on appelle la bible graphique du film pour rendre ce fusain animable et ce, de manière numérique. Et donc, on y est arrivé et c’est fort de cet enseignement-là que j’ai utilisé cette technique. Pour cet album, c’est donc du fusain numérique, de brosses que j’ai créé, de matières que j’ai créé.

Ce qui a changé aussi, c’est mon rapport à la narration, au scénario parce qu’en plus du film, j’ai développé, en tant que showrunner, une série télé qui se tourne en live au printemps, à Bruxelles. J’ai travaillé 3 ans sur le scénario avec un co-scénariste qui s’appelle Olivier Teulé. Et me confronter à l’écriture sérielle pour la télévision a complètement changé ma manière d’écrire. Et donc, je pense qu’il y a dû avoir…

C’est des contraintes…

Des contraintes, des codes aussi, de travailler en 4 actes, par exemple, chose que je reprends dans le livre. Par exemple, à la fin de l’acte I, on sait que l’aventure commence, on sait que l’histoire commence que ce soit une romance, de la SF, voire un film d’horreur, la fin de l’acte I, les choses commencent. Voilà des choses que j’ai intégré dans ma manière d’écrire.

Pour certaines cases, on sait que ce n’est pas une image et pourtant ça y ressemble, c’est bluffant !

Mais, je me suis beaucoup inspiré de photos de Walker Evans, par exemple. Dorothéa Lange. Je regarde le cadrage, la matière aussi. Le grain de ces pellicules que j’essaie de reproduire dans le dessin.

Être et avoir été ? Vaste et grave sujet auquel tout être humain est amené à se poser et ce, souvent quand il y a une rupture entre ce que l’on pouvait avant et que l’on ne peut plus, est-ce aussi ce thème que vous avez voulu aborder avec Red Dust, le personnage principal ?

Complètement ! En fait, depuis la fin de Melvil et le début de Revoir Comanche, j’ai perdu mon père qui était quelqu’un. On a tous un père mais ce père-là était très important pour moi. Il a été aussi auteur de bande dessinée et il a formé beaucoup de gens. Il a créé une école, dans le sens large, en termes de bande dessinée et je ne suis pas insensible au fait que l’on pourrait l’oublier. Et donc, bah ça questionne : être ou avoir été et toute la question est là !

Il me semble que Red Dust du récit ressemble furieusement à Hermann aujourd’hui, me trompais-je ?

Eh bien non, détrompez-vous ! Je pense que c’est totalement inconscient parce que j’avais en tête, Jim Harrison mais je me suis planté ! (rires) En plus, je n’aurais même pas osé y penser, le mettre en scène. Déjà, je lui prends ces personnages alors si en plus, je le crapahute dans le désert…

Alors, vous lui avez parlé de votre projet ?

Jamais ! Et il a eu l’élégance de voir ça à distance. Je suis au courant qu’il a beaucoup apprécié, je pense qu’il était rassuré que ce soit moi qui s’en occupe parce qu’il avait lu Melvil ou du moins, il avait vu les planches et il savait que je n’allais pas faire la même chose que lui et ça, c’était quelque chose d’important à ses yeux. De faire quelque chose de nouveau, d’inventer et d’apporter autre chose.

De faire revivre aussi une série…

Bah, Oui !

C’est important, d’autant plus qu’il a dessiné beaucoup d’albums depuis cette série

Je me rends compte que c’est une série que personne n’a oublié ! Cette série est fondatrice de beaucoup de choses notamment avec ses dernières pages du ciel est rouge sur Laramie.

50 ans après Le ciel est rouge sur Laramie, les héros sont au crépuscule de leurs vie, le mythe du Far-West a disparu depuis longtemps et la toute splendeur de l’Amérique en a pris un coup. Au travers de ce récit, vouliez-vous rappeler cette période révolue ?

Ce qui m’intéressait en fait, c’était de parler de la fin d’un monde mais d’une manière générale. La fin du monde de Red Dust qui a connu le monde dit de la frontière, Far West, du champ du possible. On ouvre l’espace et la frontière recule de plus en plus. Faut savoir que lui, au début de l’histoire, il est allé au bout de la frontière, c’est-à-dire l’océan pacifique, le bout de l’ouest, c’est la fin de son monde à lui. Mais dans les pages de Revoir Comanche, il y a des pages forward qui annoncent la fin du monde de Vivianne aussi et la fin du monde du fils de Vivianne aussi. Donc, ça parle de la fin du monde que l’on connaitra tous, même si c’est dans notre petit monde, on le vivra quoi qu’il en soit. Je dis souvent, on est dans un train et à un moment, on nous demande de descendre et quelqu’un prend notre place et le train repart. C’est une mélancolie tragique et heureuse en même temps mais vous savez comment l’on dit condamné en 2 lettres ? Né… Tout est dit dès le premier cri parce qu’on est condamné.

Les premières paroles de Ghosteen sur la beauté du monde, titre de Nick Cave sont reproduites en premières pages de l’épilogue. Fait-il partie des titres que vous avez écouté en réalisant ce récit ou simplement pour illustrer ces dernières pages ?

Toutes les citations, ceux sont des choses que j’écoute quotidiennement : Nick Cave, Bob Dylan, Léonard Cohen, Joan Baez, Jim Morrison, les Doors et qui ont nourri ce récit et après, j’ai composé moi-même les génériques du début et de la fin que l’on peut retrouver sur Spotify grâce au QR Code de l’album. J’ai toujours travaillé en musique et j’ai toujours été musicien. Ma fille, lorsqu’elle était à l’école toute petite, ne disait pas que je dessinais des bd mais que je racontais des histoires et c’est mon métier. Je raconte des histoires en bd, en film, en série et en musique, c’est pareil.  Les citations de Ghosteen, l’ouverture avec Léonard Cohen, écoutez ce morceau sur son album posthume, tout est dit !  Et il me semblait, que terminer en épilogue avec The word is beautiful… Vous aurez remarqué qu’il y a un disque dur ensablé, la fin du pétrole, la fin de l’ère numérique qui est annoncé aussi, tout disparaitra.

Propos recueillis par Bernard Launois le 26 octobre 2024
Tous droits réservés. Reproduction interdite sans autorisation préalable.
© Bernard Launois / Auracan.com 2024
visuels © Bernard Launois & Romain Renard/Le Lombard

 

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