Publié le 30 Août 2019

Faut pas prendre les cons pour des gens, ça leur donnerait une importance qu’ils n’ont pas

« Les cons ça ose tout. C'est même à ça qu'on les reconnaît », disait Michel Audiard et là, pas de mystère, chaque page en est truffée. La bêtise n’a pas de limite et là encore dès la première case, on croit avoir touché le fond : et bien non, les scénaristes Emmanuel Reuzé et Nicolas Rouhaud en remettent une couche et la chute n’en est que plus savoureuse ! Du patient en phase terminale qui tente de soudoyer son cancérologue en proposant une somme rondelette pour le sauver aux « télébraquages » bancaires, le braquage par appel téléphonique, la stupidité est partout.

 Le lecteur, peut-être incrédule à la première page, va vite entrer dans le jeu et se dire que ces saynètes sont peut-être loin d’être absurdes et qu’on ne serait pas étonné d’en voir certaines aux actualités dans un futur plus ou moins proche. Construite à la manière d’un sketch, chaque histoire pousse la satire à son maximum pour le plus grand plaisir du lecteur. Mais au-delà, n’est-ce pas une manière de flatter le lecteur en le positionnant comme moins con que les personnages de l’album ? Quoique…

Avec un dessin hyperréaliste des plus contemporains associé à un découpage efficace, Emmanuel Reuzé a réussi l’alchimie d’un album bien plaisant à lire.

Reste qu’une fois après avoir dévoré l’opus, on se complait à en redemander quand bien même l’on reste atterré par tant d’ineptie.    

FAUT PAS PRENDRE LES CONS POUR DES GENS REUZE/ROUHAUD Editions FLUIDE GLACIAL 56 pages, 12,90€

Bernard Launois

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Rédigé par Bulles de Mantes

Publié dans #Coup de coeur Bernard LAUNOIS

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Publié le 28 Août 2019

Mojo Hand, au temps de la Louisiane ségrégationniste

Hurricane, l’ouragan de 1926, a tout balayé sur son passage et le Bayou n’a pas été épargné. Alors quand Wilson Dardonne, descendant d’esclave, trouve un enfant blanc apeuré près des marécages, que croyez-vous qu’il en fit ? Le garder, bien sûr, malgré l’opposition de sa femme… Faut dire que son fils Cletus est aveugle et qu’il va trouver en Bellerophon la béquille oculaire. Les enfants grandissent ensemble loin de la ville car les parents ne veulent pas que l’on sache qu’ils hébergent un blanc. L’apprentissage de la musique révèlera un talent certain, notamment chez Cletus, qui les incitera à montrer leurs dispositions à la ville. Ce fut, hélas, le commencement des ennuis… A l’incompréhension de la communauté noire de voir un blanc jouer parmi eux s’ajoute bientôt une rivalité entre les deux « frères » car c’est à celui qui saura le mieux se mettre en valeur, tant sur la scène qu’auprès d’une conquête féminine. Jusqu’où iront-ils dans l’incompréhension l’un de l’autre ?

Après Emmett Till, l’auteur complet Arnaud Floc'h replonge le lecteur  dans  le Sud américain, pendant la période ségrégationniste qui a gangréné tout un pays et plus particulièrement la Louisiane, exploiteuse d’esclaves. Grâce à un scénario fort bien construit, le lecteur va être tenu en haleine pendant tout le récit avec une montée en puissance, une escalade de la violence, de la haine qui, petit à petit, gangrène toute relation humaine. Cette chronique sociale aurait pu très bien se passer dans n’importe quel pays. Elle est encore bien plus mise en exergue dans une Louisiane à feu et à sang où seule la musique serait à même d’adoucir les mœurs. Le dessin réaliste d’Arnaud Floc'h, rehaussé par un bel encrage noir et des aplats de couleur, met rapidement le lecteur dans l’ambiance chaude du Sud et classe cet album comme une belle réussite de rentrée.

MOJO HAND FLOC’H Editions Sarbacane 112 pages, 19,50€

Bernard Launois

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Publié le 24 Août 2019

Voltaire, le culte de l’ironie ou les dernières années d’une vie bien mouvementée

Narrer la vie de Voltaire a déjà été beaucoup fait en littérature comme en bande dessinée, ce grand philosophe ne laissant personne indifférent. Cette fois encore, la magie opère avec un scénario original de Philippe Richelle, lequel a volontairement axé son récit sur les dernières années du pamphlétaire qui lui semblaient la période la plus intéressante de sa vie tumultueuse. Alors qu’il vit ses dernières années, retiré dans sa propriété de Ferney, Voltaire est approché par Monsieur Lasalle qui s’est mis en tête de raconter sa vie. Le lecteur va ainsi découvrir, au travers des questionnements de son biographe, la vie mouvementée de Voltaire, partagée entre de nombreux  séjours en prison voire de périodes d’exil et une intense vie mondaine.  L’originalité du scénario réside dans le fait que le lecteur ne va pas trouver un biopic classique mais plutôt un dialogue des plus vivants entre le biographe et le philosophe. On appréciera tout particulièrement le récit du combat de Voltaire pour la réhabilitation du jeune chevalier de La Barre, injustement condamné et exécuté par décapitation, qui avait chanté des refrains blasphématoires envers le Christ.

Avec une couleur directe des plus réussies, le dessinateur Jean-Michel Beuriot réalise un bel album dense, avec de jolies mises en scène qui rendent le récit très fluide.

Quel bel intermède que nous livre là le tandem Richelle/Beuriot, avant de se replonger dans la saga des « amours fragiles » !

VOLTAIRE LE CULTE DE L’IRONIE RICHELLE BEURIOT Editions CASTERMAN  104 pages, 20,00 €

Bernard Launois

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Rédigé par Bulles de Mantes

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Publié le 22 Août 2019

Les fils d’El Topo T2, Abel ou la longue quête spirituelle

De la suite dans les idées, Alejandro Jodorowsky n’en manque pas, et bientôt cinquante ans après la sortie du film éponyme ce remarquable scénariste prolonge l’œuvre cinématographique par un triptyque des plus passionnants, accompagné du virtuose mexicain José Ladrönn au dessin et aux couleurs.

Nul besoin de se procurer le film pour se plonger dans cette série baroque où le scénariste s’ingénie à transporter le lecteur dans un western, a priori déjanté, où le mythe de Caïn et Abel est revisité avec talent. La vie d’El Topo, bandit de grand chemin au cœur d’or, a été jalonnée de nombreux faits et miracles qu’il a réalisés auprès de la population, qui lui donnera le statut de saint à sa mort. Au décès de sa mère, Caïn décide, coûte que coûte, d’aller l’enterrer auprès de son géniteur, sur l’île sainte. S’ensuit une longue traversée, peuplée de péripéties.

Avec ce deuxième opus, on comprend un peu mieux les relations que peuvent avoir les deux demi-frères dont l’un a été promis à une fin funeste par leur défunt père. L’histoire est dense et pleine de rebondissements. Alors, jusqu’où iront-ils pour assouvir leurs envies ?

Le trait réaliste de José Ladrönn s’accorde parfaitement au scénario, rempli de scènes dantesques peuplées de personnages plus improbables les uns que les autres, de la nonne affublée d’une barbe aux intrépides pistoleros, en passant par une jeune vierge emmourachée de Caïn. On ajoutera une remarquable mise en couleurs des paysages arides de l’Ouest en contraste avec les marécages boueux du fleuve, où évoluent les personnages hauts en couleur.

Voilà une facette de western plutôt inhabituelle et des plus intéressantes qui mérite que l’on s’y attarde.

LES FILS D’EL TOPO T2 ABEL JODOROWSKY/LADRÖNN Collection 24X32 Editions GLENAT 72 pages, 15,50 €

Bernard Launois

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Rédigé par Bulles de Mantes

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