Résultat pour “22 mars au 22 avril 2018”

Publié le 4 Avril 2022

Un franc succès pour le 1er concert dessiné organisé à Mantes-la-Jolie, à l’Espace Brassens !

C’est un public nombreux qui a assisté au 1er concert dessiné qui ait été proposé aux Mantais. Les associations L’Ecole des 4 Z’arts et Bulles de Mantes l’avaient organisé le vendredi 18 mars 2022 à l’Espace Brassens, dans le cadre des assises de la culture de Mantes-la-Jolie.

 

Bulles de Mantes songeait depuis un bon moment à organiser un tel évènement mais n’avait encore jamais eu l’occasion de le concrétiser : c’est donc avec joie qu’elle a adhéré à l’initiative d’Annabel Fleuret, toujours enthousiaste pour lancer de nouveaux projets en partenariat, et le concert dessiné a pris forme.

Prévu de longue date, ce concert dessiné a bien failli capoter après la décision du Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême de reporter sa manifestation pile au même moment…  Mais c’était mal connaître le dessinateur et auteur Eric Liberge qui a décidé de faire l’aller et retour d’Angoulême pour se produire devant le public mantais. Après deux jours intenses de séances de dédicaces à Angoulême sur le stand Futuropolis pour sa série Le Suaire, Éric Liberge s’est rapidement entendu avec le trio Aquarela pour concocter une belle soirée sous le signe de la musique brésilienne.

Pour mémoire, Aquarela, c’est le trio de virtuoses qu’a composé le hauboïste et multi-instrumentiste français Jean-Luc « Oboman » Fillon, bien connu dans notre région. Pour ce trio, il s’est entouré de ses amis brésiliens Edu Miranda, considéré comme un véritable maître de la mandoline, et du guitariste Tuniko Goulart, expert reconnu de son instrument. Devant un public conquis, ils ont joué les morceaux de leur troisième et plus récent album, A Bela Vida, mettant en lumière les mélodies et les rythmes brésiliens dans de virevoltants arrangements tout jazzy.

 

 

Et c’est au rythme endiablé du trio qu’Éric Liberge s’est lancé dans la réalisation du premier dessin en croquant tout d’abord Jean-Luc Fillon entouré d’animaux captivés par la virtuosité du musicien.

Après un crayonné, plutôt rapide, afin de définir les contours de sa réalisation, le dessinateur a sorti ses pinceaux et la magie s’est opérée sous les yeux ravis de l’assistance, qui voyait l’œuvre en cours projetée sur un grand écran.

Il est à signaler que les musiciens, comme le dessinateur, ne s’étaient jamais prêtés à un tel exercice croisé, mais quand des professionnels d’un tel niveau se rencontrent, le résultat ne peut être qu’à la hauteur de leur talent : sublime. Et les morceaux se sont enchainés, le trio s’adjoignant à deux reprises le concours d’invités pour chanter sur scène, Alain Léamauff puis la professeure de chant au CRD Caroline Faber. Pendant ce temps, Eric Liberge mettait en scène pour son deuxième dessin le guitariste Tuniko Goulart croqué comme son compatriote dans un décor exubérant d’ambiance bien tropicale.

 

 

A l’issue du spectacle, les dessins réalisés ont fait l’objet d’une vente aux enchères assez disputée qui a récolté la somme de 650 €, intégralement reversée à la Croix-Rouge française pour ses œuvres en faveur de l’Ukraine.

 

Jérôme BOUTELIER & Bernard LAUNOIS

 

 

 

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Publié dans #Divers

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Publié le 7 Mars 2021

FUKUSHIMA, chronique d’un accident sans fin…  Mais pas sans conséquence !

11 mars 2011, voilà dix ans que la centrale de Fukushima Daiichi, victime d’un tsunami suite à un tremblement de terre de magnitude sur l’échelle de Richter, allait devenir le théâtre de la plus grande catastrophe nucléaire après Tchernobyl que nous ayons connue depuis l’exploitation de l’atome à des fins industrielles. Dix ans déjà et pourtant ça semblait hier tellement cet événement médiatisé a pu marquer les esprits.

C’est notamment à partir des auditions de commissions d’enquêtes, rendues publiques, de Masao Yoshida directeur de la centrale au moment de la catastrophe que le scénariste Bertrand Galic a conçu ce scénario terrifiant en s’appuyant sur les  cinq premiers jours qui ont été déterminants pour la suite. Comme si la nature ne suffisait pas à déclencher le malheur, il a fallu la conjonction de trois éléments d’importance pour plonger l’équipe sur place dans le plus profond désarroi : fusion des cœurs des quatre réacteurs entrainant le perçage des cuves, puis leur explosion entrainant la diffusion de nuages radioactifs incontrôlables. Avec un découpage précis associé à des dialogues percutants, le scénariste arrive à immerger le lecteur au milieu de ces femmes et ces hommes dévoués à leur cause pour sauver tout ce qui peut être sauvé sans penser un seul instant au point de non-retour qui pendait au dessus de leur tête. Entre des dirigeants inconséquents au siège de Tepco incapables de donner des instructions cohérentes et un gouvernement qui ne cherche qu’à garder la face, c’est un miracle que le pragmatisme du directeur d’exploitation l’emporte, en faisant fi des directives et en motivant ses troupes pour que l’esprit de groupe  l’emporte dans ces moments désespérés. Bien que nous en connaissions l’issue fatale, le scénario bien ficelé incite le lecteur, dès les premières pages, à se plonger au cœur de cette aventure héroïque d’une poignée de valeureux guerriers face à l’adversité nucléaire.

Avec un dessin vif et précis, le dessinateur Roger Vidal a su remarquablement mettre en images la dramaturgie de ce récit haletant. Après Au cœur de Fukushima, un manga documentaire relatant la vie d’un dessinateur qui s’était fait engagé pour nettoyer la centrale après la catastrophe, Fukushima, chronique d’un accident sans fin apporte un éclairage salutaire sur un événement qui n’aurait sûrement jamais dû prendre de telles proportions si des mesures préventives avaient été mises en place alors que la région est sujette à des tremblements de terre fréquents.

Enfin, le lecteur appréciera le dossier fort complet d’une douzaine de pages de Pierre Fetet qui complète le récit en revenant sur les enquêtes ainsi que sur les conséquences de la catastrophe.

FUKUSHIMA, chronique d’un accident sans fin Bertand GALIC/Roger VIDAL Editions GLENAT 128 pages, 18,50 €

Bernard Launois

 

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Publié le 31 Mai 2021

Exposition UDERZO, COMME UNE POTION MAGIQUE ... A consommer sans modération !

Exposer Monsieur Albert UDERZO dans ce bel écrin qu’est le Musée Maillol s’avère une excellente idée.

Quelle exposition ! Assurément l’une des plus réussies, tant par la richesse des pièces montrées que dans la mise en scène, sobre et soignée comme l’aurait aimée le Maître disparu depuis le 24 mars 2020.

Quand on sait combien il est difficile de monter une exposition d’une telle ampleur, et a fortiori dans ces périodes compliquées et dans des temps très courts, on mesure le travail accompli en découvrant cette belle rétrospective, menée de main de maître par sa fille Sylvie UDERZO assistée de l’agence Artcurial Culture, au travers de dessins, planches et autres crayonnés réalisés par l’artiste tout au long de sa vie. On peut aussi y découvrir la présence de figurines et autres objets.

Du 1er étage où débute l’exposition avec la jeunesse d’Albert UDERZO, au rez-de-chaussée consacré principalement à ce phénomène de l’édition qu’est la série Astérix traduite en près de 120 langues et créée avec son ami René GOSCINNY, les visiteurs vont clairement en prendre plein les yeux !

De ses cahiers d’écolier richement agrémentés de dessins qui montraient déjà ses fortes prédispositions pour le 9ème art, aux planches d’Astérix, en passant par Belloy, Johan Pistolet, Oumpah-Pah, Tanguy et Laverdure… Les talents de l’artiste sont multiples et variés. Ainsi, son trait vif et dynamique éclate aux yeux du visiteur ébahi et admiratif de tant de maîtrise, tant dans les crayonnés poussés que dans les profonds encrages, infiniment mieux mis en valeur que dans les albums.  

Ainsi l’on mesure mieux, à travers cette remarquable rétrospective riche de plus de 300 originaux, l’incroyable parcours de cet autodidacte de génie qui aura marqué le monde entier.

Alors, par Toutatis, ce n’est pas le moment de rater l’exposition de tels trésors, pour la plupart sortis de la collection personnelle familiale et que l’on n’aura sûrement plus l’occasion de revoir avant longtemps. Il ne vous reste donc plus qu’à vous précipiter au musée Maillol pour découvrir toutes les facettes d’un grand homme, discret, humble, qui a fait et fera encore rêver toutes les générations.

Enfin, signalons la réalisation par les éditions Hazan d’un superbe catalogue, riche de 288 pages, qui restera la mémoire de cette exposition.

Exposition UDERZO, Comme une potion magique Musée MAILLOL 61, Rue De Grenelle 75007 Paris, du Jeudi 27 mai 2021 au jeudi 30 septembre 2021

Catalogue UDERZO, Comme une potion magique éditions HAZAN 288 pages, 35,00 €

Bernard LAUNOIS

 

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Rédigé par Bulles de Mantes

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Publié le 25 Mai 2023

3/9  Les auteurs présents au 9ème Festival Bulles de Mantes (16,17 et 18 juin 2023)

Claire Bigard (scénariste, dessinatrice, coloriste)

Claire Bigard, dessinatrice dans la publicité décide de se lancer dans la bande dessinée en 2009-2010, en tant qu’auteur complet (dessin + scénario + couleurs) avec la série Méprise. Avec son trait réaliste, elle s’est rapidement faite remarquée par les éditeurs pour la réalisation de bande dessinée historique. Ainsi, elle a repris en 2012 le dessin de la série Agris dont le tome 3 Le cœur ou la raison et a réalisé des panneaux d'illustration sur les Gaulois pour le musée archéologique de Lattes en 2013.

Mais Claire Bigard n’a pas qu’une seule corde à son arc, c’est également une organisatrice de festivals BD et nous avons toujours plaisir à l’accueillir à Bulles de Mantes où elle dédicacera tout particulièrement son dernier album Marie-Madeleine aux éditions La Muse.

Renaud Eusèbe (illustrateur)

Tombé dedans quand il était petit, Renaud Eusèbe est un amoureux de la bande dessinée et a toujours rêver d’en faire. Il faudra attendre quelques années après la réalisation de contes pour enfants pour la sortie du premier tome de La rose et l’aigle qui sera suivi de deux autres opus.

De Grain de liberté (3 tomes) à son dernier opus, Au bout de la piste, le dessin réaliste de Renaud Eusèbe se prête tout à fait à la science-fiction mais également au récit historique où il excelle.

L’auteur dédicacera plus particulièrement son dernier opus, Au bout de la piste.

Béatrice et Michel Constant (scénario, dessin et couleurs)

Difficile de dissocier Béatrice et Michel Constant, réunis sentimentalement et professionnellement depuis 1982, alors en études à l'École supérieure des arts de Saint-Luc section « Bande Dessinée ». Michel au scénario et au dessin, Béa à la couleur. Adepte de la ligne claire avec un dessin des plus réalistes, Michel Constant s'associe d’abord avec le scénariste Denis Lapière pour créer le personnage de Mauro Caldi, pilote de Ferrari et détective amateur des années 50, en 1987 (6 titres jusque 1993) avec les couleurs de Béatrice. Il se lance plus tard avec Michel Vandam dans la série Bitume (6 titres, Casterman) toujours avec les couleurs de Béatrice. Viennent ensuite  avec Jean-Louis Cornette respectivement, Red River Hôtel, Au centre du nowhere et Tueur de femme.

Béatrice et Michel Constant dédicaceront plus particulièrement leurs dernières éditions chez Futuropolis, La dame de fer et Lady Jane.

Pierre-Emmanuel Dequest (scénariste, dessinateur, coloriste)

Pierre-Emmanuel Dequest, illustrateur pour la presse jeunesse dans un premier temps, apprécie tout particulièrement à la nature et n’a pas tardé à travailler pour des parcs nationaux dans la réalisation de croquis de la faune et de la flore. Son approche de la bande dessinée s’effectuera en tant que coloriste puis vient le moment de se lancer avec l’album Tom Morel puis les albums s’enchainent de Hélie de Saint Marc à L’appel de la forêt en passant par Akki et Croc-Blanc.

Mantais depuis bon nombre d’années, il collabore activement à l’association Bulles de Mantes avec notamment des animations scolaires dans la région.

Pierre-Emmanuel Dequest dédicacera plus particulièrement L’appel de la forêt, son dernier album.

 

 

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Publié dans #Festival 2023

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Publié le 29 Octobre 2018

Interview de Dimitri Armand à l’occasion de la sortie de TEXAS JACK aux éditions LE LOMBARD

Après Sykes, le duo Pierre Dubois et Dimitri Armand remet le couvert pour réaliser l’excellent western Texas Jack aux éditions Le Lombard. La venue de Dimitri Armand sur le festival Quai des Bulles était l’occasion de parler de cet album et plus généralement de son regard sur la bande dessinée.

Bonjour Dimitri

Votre première collaboration avec le scénariste Pierre DUBOIS a eu lieu en 2014 avec Sykes, comment ça s'est passé cette fois-ci ?

En fait, ça c'est très bien passé. Au départ, c'est le Lombard qui nous a mis en relation et on s'est tout de suite très bien entendu. Je pense que, du coup, c'était assez astucieux de la part du Lombard, de nous mettre en relation. Je pense que ça a assez surpris les gens qui s'attendait de voir Pierre DUBOIS sur du western alors que l'on l'attend plutôt sur des elfes.

Plutôt de sujets poétiques comme il a l'habitude de le faire.

Là aussi, il y a de la poésie (rires)

Je ne suis pas convaincu qu'ici, ça soit la même !

Comme ça s'était super bien passé avec le premier album, on a remis le couvert pour Texas Jack qui va bientôt sortir.

J'ai eu l'occasion de le lire et de l'apprécier tout particulièrement. Quelles sont les méthodes de travail entre Pierre et vous ?

Avec Pierre, c'est un peu particulier qu'avec les autres scénaristes, car le scénario était écrit comme une nouvelle, donc sans découpage BD, pas de page 1, case 1... C'est donc moi qui aie dû découper l'album. De plus, c'est un scénario manuscrit ! Je dois dire que ça m'a surpris au début, j'ai plutôt trouvé cela plutôt charmant. De voir le scénario écrit et pas du tout découpé, j'ai trouvé ça plutôt intéressant au final.

Une fois le découpage réalisé, lui avez-vous envoyé ? De quelle manière est-il intervenu ou pas ?

En fait, pour ainsi dire jamais ! En gros, ce sont deux choses qui m'ont fait peur au départ : le fait que le scénario ne soit pas découpé et le fait d'être livré un peu à moi-même. Au final, ça été les deux choses les plus enrichissantes sur ces projets-là. Du coup, j'ai dû apprendre à découper un bouquin car normalement c'est un travail de scénariste habituellement. Ça m'a permis de me former là-dessus.

Un gros challenge alors ?

Effectivement et il y a des trucs que je regrette un petit peu au niveau mise en scène. J'aurai aimé après coup, les faire différemment mais malheureusement ou pas, ça fait partie de l'apprentissage. En plus, il m'a fait une confiance aveugle. C'est à dire que lorsque l'on a commencé à travailler ensemble, je faisais livrer les pages imprimées par courrier, 5 à 6 pages dans un premier temps et il a tout adoré. J'ai eu que des retours dithyrambiques et chaque fois, il était ravi. Il n'a jamais eu rien à redire et pourtant au début, j'étais disposé à retoucher si c'était pertinent ou autre à suivre ses remarques mais il a toujours adoré ma façon sur ces bouquins-là de mettre en scène et de faire les pages. J'étais hyper libre et ça c'est vraiment jouissif.

C'est à la fois libre et contraint par un énorme challenge car c'est quand même un album qui fait 120 pages, tant pour le découpage que pour la réalisation ensuite ?

Bah oui, au départ il devait faire la taille de 75 pages mais le problème, c'est que le manuscrit faisait déjà 90 pages et qu'en faisant le story-board, au fur et à mesure, je me rendais compte que j'allais exploser la pagination. Je n'ai pas voulu décaler la date de sortie car on s'est dit avec l'éditeur que ce serait bien de le sortir pas très de loin de Sykes.

Pourquoi pas en deux albums alors ?

Ça été pensé, le souci c'est que c'est vraiment une quête et que dans la première partie, il n'y a vraiment d'événements mais plus la relation entre les personnages qui va se tisser tout le long de l'album et du coup, coupé en deux, s'aurait fait un premier album où il ne s'y passe pas vraiment grand chose. Il aurait alors fallu réécrire la structure.

Je ne suis pas tout à fait d'accord quand vous dites qu'il ne se passe rien dans la première partie.

En fait, je pense que ça aurait un peu cassé la montée en puissance de l'intrigue et des relations entre les personnages et la rencontre finale.

Texas Jack ressemble, par certains côtés, à Buffalo Bill et son côté grand spectacle, comment avez-vous appréhendé le personnage ?

C'est une autre chose qui m'a beaucoup plu dans l'écriture de Pierre, c'est que quand je lis son scénario, j'ai tout de suite des images qui me viennent et en fait, lui je l'ai toute de suite imaginé comme ça. Oui, c'est une forme de Buffalo Bill.

Où tout est dans l'apparat quand même ? Dès les premières pages, il est dans un spectacle, en représentation, tel que je l'ai compris ?

Oui, c'est exactement ça !

Sauf qu'à un moment, il va se retrouver dans la vraie vie.

Et il va vite le regretter !

Il va va se faire piéger ?

C'est ça qui était intéressant, c'est que comme graphiquement, j'avais fait Sykes avec un personnage plus sombre, les yeux fatigués, une moustache noire... J'ai vu cette espèce de petit minet, blondinet, toujours avec le sourire ridicule. Mais, c'est son personnage !

Ce que je trouve important dans cet album, c'est que vous avez dessiné vraiment des "gueules" au sens où nous avons des personnages burinés, des visages et des postures expressifs. Il apparaît très important d'avoir cette densité dans ces personnages qui évoluent dans de superbes paysages. Par contre, beaucoup de violence, ce qui n'est pas dans les habitudes de Pierre DUBOIS, plutôt dans un registre poétique. Est-ce que cela vous a gêné ?

Non, je pense même qu'il s'est plutôt amusé de ce côté-là parce qu'il savait qu'au contraire, j'aimais bien dessiner ce genre de scènes.  La violence n'est jamais gratuite parce que même si j'ai tendance à exagérer les impacts de balles ou autres, au final ça met en avance la faiblesse de Texas parce qu'en temps que lecteur, on va s'identifier à Texas Jack qui est en fait en dehors de tout ça car il tire sur des assiettes et c'est tout. On prend presque pitié de lui a un certain moment dans l'album.

Cet album est vif, rythmé et l'on sent que vous avez pris un réel plaisir à le réaliser, je me trompe ?

Non, vous ne vous trompez pas, je me suis clairement éclaté. Il m'aurait fallu clairement six mois de plus pour vraiment le faire comme je voulais.

Près de 125 pages, on ne s'ennuie pas un seul instant. Quel a été la recette pour tenir le lecteur en haleine ?

La grosse qualité de Pierre sur cet album réside dans la multiplicité des personnages qui ont tous des dialogues qui vont les présenter avec toutes leurs personnalités. Ce que j'aime beaucoup dans le travail de Pierre Dubois c'est qu'il n'y a pas dialogue gratuit. Tout ce que les personnages vont dire, ça va les installer, les faire exister vraiment dans l'album.

Y aura-t-il une prochaine collaboration avec Pierre Dubois ?

On aimerait beaucoup en fait, L'idée d'une trilogie, on aimerait beaucoup faire rencontrer Sykes et O'Malley et le problème, c'est que Pierre a de superbes idées. Déjà avec Sykes, je m'étais dit que je ne ferai que cet album mais un jour, il m'a juste envoyé la suite et j'ai pas pu faire autrement que de plonger. Le problème actuellement, c'est qu'il faudra attendre un peu pour une nouvelle collaboration car je viens de commencer une nouvelle série au Lombard.

Vous faites partie des artistes à maîtriser la réalisation d'un western en bande dessinée et s'il fallait citer quelques noms d'auteurs que vous admirez dans cette discipline, ce seraient lesquels ?

Au début, je dirai qu'il y a François Boucq sur le Bouncer qui m'a bien inspiré, Ralph Meyer pour Undertacker avec un dessin très propre. On ne dessine pas du tout pareil tous les deux mais nous partageons un dessin assez lisse, assez propre comparé à Mathieu Lauffray qui va avoir un trait beaucoup plus lâché, beaucoup plus expressif. Il y a également Mathieu Bonhomme que j'ai découvert tard sur Texas Cow-boy. Album que j'ai adoré car il a, par exemple, un don sur les postures des personnages. Bien qu'il y ait très peu de trait, les personnages existent vraiment. Enrico Marini qui a toujours été une grosse influence pour moi. Je ne pense pas que mon dessin ressemble mais c'est dans sa façon de gérer l'efficacité des scènes, en fait. Marini est extrêmement impressionnant graphiquement mais quand on regarde bien, je sais que c'est facile à dire, ce sont des recettes assez simple, il va mettre en avant son personnage qui est au cœur de l'action, il va esquisser un morceau de décor, et tout envoyer à la couleur et ça va être super impressionnant. Il ne va jamais mettre trop d'information et ça c'est vraiment quelque chose que j'aime bien !

Je ne suis pas doué pour faire, comme par exemple, comme Otomo dans Akira où il y a là une débauche visuelle et malgré tout, ça reste d'une grande lisibilité et je trouve ça hallucinant. Pour ma part, si je commence à faire des traits partout, ça faire un truc illisible.

Là, justement, le trait est clair, c'est fluide

Merci ! J'ai essayé du coup de le rendre le plus lisible possible.

Et vous ne citez pas Jean Giraud, il ne fait pas partie des auteurs qui vous ont influencé ?

Bah non, je l'ai lu et c'est un passage obligé, j'adore son travail, je l'ai regardé régulièrement.

Lui aussi va avoir un dessin extrêmement fouillé  et malgré tout assez lisible et puis il ne faut pas oublier que c'est un pilier de la bande dessinée franco-belge. C'est vrai qu'au départ, il ne fait pas vraiment partie de ma culture et quand vous m'avez posé la question, ce n'est pas un nom qui m'est sorti spontanément.

Propos recueillis par Bernard LAUNOIS dans le cadre du festival Quai des Bulles St Malo le 13 octobre 2018

 

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Rédigé par Bulles de Mantes

Publié dans #Interviews

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Publié le 12 Décembre 2020

A l’approche des fêtes de fin d’année, voici des idées de cadeaux avec quelques albums BD parfaits pour se détendre ou occuper les longues soirées du couvre-feu : autant de titres incontournables à offrir ou à s’offrir et qu’il ne faudrait pas avoir manqués cette année. Nous vous proposons un choix de nos chroniqueurs...

La sélection de Jérôme Boutelier :

Les romans graphiques

  • Swan / tome 2 Le Chanteur espagnol (par Nejib, éditions Gallimard) : les débuts de l’impressionnisme dans une magistrale évocation romancée absolument passionnante, racontée avec une maestria étourdissante.
  • Géante (par Jean-Christophe Deveney et Nuria Tamarit, éditions Delcourt) : une jeune fille de taille gigantesque découvre sa différence en voyageant dans des contrées merveilleuses. Un conte initiatique et féministe au dessin naïf et poétique, dans un superbe album de 200 pages.
  • Peau d’homme (par Hubert et Zanzim, éditions Glénat) : en pleine Renaissance, une jeune italienne de bonne famille revêt une peau d’homme et découvre incognito l’amour et la sexualité dans un hymne à la tolérance aussi élégant que subtil.
  • Celestia (par Manuele Fior, éditions Atrabile) : dans une Venise post-apocalyptique au milieu d’un monde dépeuplé, l’épopée onirique de deux jeunes amoureux en quête de sens. Un univers graphique admirable sublimé par les couleurs, d’une merveilleuse poésie.

Un peu d’histoire

  • Bella Ciao, uno (par Baru, éditions Futuropolis) : une histoire populaire de l’immigration italienne en France à travers des souvenirs de famille mêlant réalité et fiction. Toute la maitrise de Baru dans son univers familier, avec son regard humaniste porté sur la société.
  • Le Banquier du Reich, tome 2 (par Pierre Boisserie, Philippe Guillaume et Cyril Ternon, éditions Glénat) : l'histoire de Hjalmar Schacht, banquier génial aux positions ambigües qui fut ministre d’Hitler, puis jugé et condamné à Nuremberg. Une très intéressante évocation historique menée avec dynamisme et joliment servie par un dessin réaliste minutieux.

Pour les amateurs de SF

  • Mécanique céleste (par Merwann, éditions Dargaud) : en plein monde post-apocalyptique une petite cité agricole tente d’éviter l’annexion par une ville puissante en acceptant de lier son avenir aux résultats d’un match entre leurs champions. Un rythme trépidant, un dessin maitrisé et dynamique, de belles couleurs, tout pour faire un album réussi.

 

Rien ne vaut un bon polar

  • Purple Heart / tome 2 Projet Blue Bird (par Eric Warnauts et Guy Raives, éditions du Lombard) : un privé enquête dans le Hawaï de l’après-guerre sur la mort d’un fils de bonne famille new-yorkais. Une intrigue captivante dans un scénario sans temps mort, avec le superbe dessin réaliste du duo d’auteurs et les couleurs splendides des tropiques.
  • La Dernière rose de l’été (par Lucas Harari, éditions Sarbacane) : dans une villa au bord d’une plage, un écrivain débutant est témoin des frasques d’une mystérieuse voisine. En vrai maitre des atmosphères l’auteur signe avec sensibilité un polar d’ambiance très réussi, au dessin ligne claire et au découpage efficace.

BD documentaire

  • Tropiques toxiques (par Jessica Oublié, Nicola Gobbi et Vinciane Lebrun, éditions Steinkis / Les Escales) : une enquête extrêmement fouillée et complète sur le scandale du chlordécone, un pesticide utilisé dans les bananeraies de Martinique et de Guadeloupe de 1972 à 1993 et ayant dramatiquement pollué les terres pour des centaines d’années.

 

Pour les plus jeunes (et les grands aussi)

  • Charbon / tome 1, L’Espoir (par Michel Colline, éditions Paquet) : sur une planète minière polluée à l’extrême et où toute trace de nature a disparu depuis longtemps, un enfant découvre une feuille au fond d’une mine. Mêlant science-fiction, écologie et combat contre les tyrannies, un excellent récit tout public et bien servi par un dessin efficace et de belles couleurs sombres.
  • Croc-Blanc, un monde sauvage (par Pierre-Emmanuel Dequest, Editions du Rocher) : une superbe adaptation en BD du célèbre roman de Jack London. Le scénario restitue parfaitement l’émotion,  le dessin très réaliste est splendide et les couleurs somptueuses. Un très bel hymne à la nature.

Le coin des tout-petits

  • La Famille Passiflore, Pirouette & Nymphéas (par Loïc Jouannigot, éditions Daniel Maghen) : l’adorable famille de petits lapins s’aventure dans les jardins de Giverny. Un magnifique album illustré aux aquarelles subtiles et délicates, pour un grand moment de douceur.

     

La sélection de Bernard Launois :

Les romans graphiques

  • Aldobrando (par Gipi et Luigi, éditions Casterman) : Un grand récit d’initiation picaresque, savoureux et poignant que n’aurait pas renié l’écrivain Rabelais. L’histoire est originale, fort bien construite avec un suspense qui est maintenu tout au long de l’album.

Un peu d’histoire

  • La bombe (par Alcante, LF Bollée et Denis Rodier, éditions Glénat) : Assurément un ouvrage de référence pour (re)découvrir la genèse de la bombe qui a changé la face du monde lors de la dernière guerre mondiale.
  • Hitler est mort ! T1 (par Jean-Christophe Brisard et Alberto Pagliaro, éditions Glénat) les dessous d’une bataille entre les services d’espionnage soviétiques pour faire main basse sur la dépouille d’Hitler, réalité ou fiction.

 

Pour les amateurs de SF

  • Carbone et silicium (par Mathieu Bablet, éditions Ankama) : Derniers nés des laboratoires Tomorrow Foundation, Carbone et Silicium sont les prototypes d’une nouvelle génération de robots destinés à prendre soin de la population humaine vieillissante.
    Élevés dans un cocon protecteur, avides de découvrir le monde extérieur, c’est lors d’une tentative d’évasion qu’ils finiront par être séparés. Ils mènent alors chacun leurs propres expériences et luttent, pendant plusieurs siècles, afin de trouver leur place sur une planète à bout de souffle où les catastrophes climatiques et les bouleversements politiques et humains se succèdent...
  • La chute (par Jared Muralt, éditions Futuropolis) : Dans un futur plus ou moins proche, un virus s’apparentant à une grippe estivale sévit aux Etats-Unis et n’en finit pas de faire des ravages dans la population. C’en est au point que le gouvernement finit par instaurer une loi martiale, afin de juguler des conflits qui finissent par ressembler à un état de guerre civile. Cela ne vous rappelle rien ? Paru avant la pandémie, cet album ne serait-il pas prémonitoire ?

Rien ne vaut un bon polar

Il faut flinguer Ramirez acte II (par Nicolas Petrimaux, éditions Glénat) : Assurément la révélation 2018 qui confirme avec l’acte II, tout aussi tonitruant, d’un homme muet poursuivi à travers l’Arizona par une horde de tueurs à gages. Il n’est pas seulement le meilleur vendeur du célèbre aspirateur Robotop, mais il a aussi une double, voire triple vie… sans parler de son ascendance qu’il traîne comme un boulet.

 

Manga :

  • Sengo (actuellement 4 fascicules parus)  (par Yamada Sansuke, éditions Casterman) : Avec un premier album paru toute fin 2019, c’est le récit sur Les Pieds Nickelés chez Tardi. De retour du front, le mutique Kawashima, pourtant bien né, n'a jamais cherché à renouer avec les siens. Une rencontre inattendue avec une femme fait ressurgir le passé houleux d'un homme qui n'a jamais trouvé sa place au sein de sa famille. Dialogue enlevé, dessin hyperréaliste de belle facture, cette série a déjà reçu de nombreux prix mérités au Japon et en France, à commencer par le prix manga de l’ACBD. 

Pour les plus jeunes (et les grands aussi)

  • Le roi des oiseaux (par Alexander Utkin, éditions Gallimard Bande Dessinée) : La pomme, toujours la pomme. Ce fruit aura généré bien des soucis au cours de l'histoire ! Parce qu'une souris trop gourmande croqua dans un de ces délices sucrés en omettant d'en proposer à son ami le moineau, la guerre entre animaux à ailes et spécimens à poils est déclarée ! Ainsi commence cette histoire slave envoutante qui se lit au coin de la cheminée. (prix ACBD jeunesse 2020).

 

 

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Rédigé par Bulles de Mantes

Publié dans #Chronique de Jérôme BOUTELIER, #Coup de coeur Bernard LAUNOIS

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Publié le 28 Septembre 2010

Gisors

Chronique d’un week-end très BD

La chose était dite, annoncée partout là où il faut, à commencer par les pages de cet excellent blog : le week-end débutait par une soirée « Rencontre-dîner-dédicace » pour laquelle votre association préférée avait fait plus que fort ! Autour des tables richement garnies du Domaine de la Corniche étaient réunis Bihel, Maryse et Jean-François Charles. Les planches de Africa dreams, riches de paysages magnifiques et de visages tous plus expressifs les uns que les autres, trouvant tout naturellement pour quelques jours leur place dans les salles du Panoramique.

Pour avoir tous les détails et quelques regrets, vous pouvez lire la chronique de l’ami Bernard.

Comme vous avez beaucoup de chance, vous pouviez ne pas en rester là. Certes, ça se compliquait un peu, il fallait pouvoir être à deux endroits (assez proches) (presque) en même temps. Mais quand on aime… et qu’on a une voiture.

En effet, ce samedi et ce dimanche avait lieu et la Foire-Expo de Mantes-la-jolie et le quinzième festival de BD de Gisors.

Bulles de Mantes était présente à la première. Claire Bigard, que certains d’entre vous ont pu croiser au Festival de Crespières et d’autres à Mantes même, dans la librairie de l’excellent Christian, dédicaçait son diptyque Méprise. Philippe Guillaume était également présent le samedi pour une des premières dédicaces du tome 4 de Dantès.

Mais à Bulles de Mantes on sait aussi être bons camarades. Aussi, une petite visite chez nos voisins normands s’imposait. C’était notamment l’occasion d’y retrouver Bihel, visiblement ravi de son week-end et qui, le dimanche en fin de festival, avait encore la gentillesse de se prêter à de vrais échanges. Son plaisir de travailler avec les Charles est évident. Puisse cette collaboration durer longtemps et vivement le tome 2 ! Pour la dédicace, on ne dit rien, on regarde.

Bihel était à Gisors en voisin, mais il n’était pas le seul régional de l’étape. Se trouvaient également dans les murs Joël Jurion, Thierry Olivier et son camarade Juan Maria Cordoba, en très grande forme : « Bah, kes tu fais là, tu vois bien qu’y a ma femme ? » L’épouse en question était, pour l’occasion, un monsieur à cheveux blancs, tout à fait respectable. Il ne se laissera pas surprendre et trouvera une bonne répartie. Visiblement, il connait le loustic !

 

On pouvait aussi croiser Cromwell, un peu pressé en cette fin de dimanche, mais qui joue le jeu et puis, sur le fil (dernière dédicace du jour !), Christian Gine malgré tout très disponible pour croquer une fille de rêve, qui va le rester plus que jamais : interrogé sur une reprise de la série Finkel, le dessinateur lance une réponse rapide et tranchante comme un couteau Nek’Amas, « Non ». Il ne veut plus être seulement le père du marin-lige ou de Neige et souhaite défendre d’autres projets. Très déçu par l’accueil reçu par les deux tomes de La Grande Ombre, unehistoire dans laquelle il dit avoir mis « beaucoup de lui-même », Christian Gine travaille aujourd’hui sur un tout autre univers, celui de la Rome Antique.

Alors, évidemment certains seront doublement déçus : non-fin d’une série mythique et commencement d’une autre, dont la thématique semble très à la mode ces temps-ci ? Pas si sûr, le premier tome arrive en mars, les planches sont très prometteuses et les plus nostalgiques auront le plaisir d’y croiser, au détour d’une case, l’une ou l’autre silhouette déjà vues dans les précédents mondes de Gine. Vous savez quoi ? On a même failli l’avoir pour le festival 2011, c’est passé tout près, il s’en est fallu d’une obligation familiale !

Ce week-end, entre pluie et soleil, entre Seine et Epte, vous aviez le choix. Retrouvailles avec des auteurs confirmés, découverte de plus jeunes étaient possibles.

Vous avez tout raté ? On ne vous avait rien dit ? Pire, vous ne connaissiez pas ce blog ? Bon, vous savez ce qui vous reste à faire, surveillez dès maintenant, de près le blog de Bulles de Mantes.

Bonnes lectures, et belles dédicaces.

 

Sébastien MONEREAU

 

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Rédigé par Sébastien MONEREAU

Publié dans #Bulles en villes

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Publié le 24 Octobre 2018

Interview de Fred Vignaux à l’occasion de la sortie de Kriss de Valnor T8

Entre la sortie du très attendu tome 8 du spin-off « Kriss de Valnor », dessinée par Fred Vignaux, qui clôturera la série et l’information comme quoi c’est Fred Vignaux qui reprend la série Thorgal, l’interview de ce dernier, dans le cadre du festival Quai des Bulles à St Malo, tombait à point nommé.

Pour ce dernier opus, Kriss de Valnor a désormais un seul but : retrouver son fils Aniel. Pour le rejoindre au plus vite, elle a choisi d'escalader la Montagne du Temps. Mais l'épreuve s'avère bien plus cruelle qu'elle ne l'avait imaginé... Entre temps, Jolan poursuit son duel sans merci contre l'empereur Magnus.

Vous venez de terminer le tome 8 du spin-off « Kriss de Valnor » qui sera le dernier, comment l’avez-vous Vécu ?

Paradoxalement, la fin de cette série est un commencement pour moi  et on en va en reparler plus tard dans l’interview, ça été un vrai plaisir et ce deuxième album clôt un beau diptyque qui forme une belle histoire très cinématographique, avec Mathieu Mariolle et Xavier Dorison, ça ne pouvait être qu’ainsi. Je m’en suis vraiment rendu compte à la fin car il y a eu des choses de semé dans le 1er tome qui se résolvent dans le second. Au final, ça se rapproche pas mal  du tome les Archers qui est un petit film en soi. Comme cela va s’inscrire dans la continuité, cet album n’est en fait pas vraiment une fin.

Si  cet album est très fluide dans la narration, il n’en est pas moins dense, avec beaucoup de cases mais aussi beaucoup de bulles, est-ce que cela t’a posé des problèmes particuliers ?

Il y a effectivement à certains moments beaucoup de dialogues notamment pour placer la psychologie des personnages  mais ça alterne avec des pages beaucoup moins dense. Je ne le ressens pas comme ça, quand tu vois le nombre de cases dans « Neige », c’était beaucoup plus contraignant. Je pouvais néanmoins utiliser les fonds perdus, il y avait des panoramiques, là, la charte Thorgal est plus contraignante mais néanmoins créative. Ce qui est intéressant, c’est que ce soit un challenge et je n’ai pas vraiment rencontré de difficulté.

Quant à la  densité, je trouve ça plutôt intéressant dans la bande dessinée car il ne faut que la bd soit lue en 20 minutes. Finalement, la densité pour moi, c’est important. Alors après, j’en avais discuté avec Rosinski, quand on regarde les Thorgal, ce que disait Van Hamme, il y a des albums de scénariste et des albums de dessinateurs. Donc, quand il lui présentait un album, il lui disait « Tu vois Grzegorz, celui-ci sera un album de scénariste, ce qui veut dire qu’il y aura plus de cases mais la prochaine fois, je te ferai plaisir en te faisant un album de dessinateur ».

Pour le prochain Thorgal, y a-t-il déjà des orientations ?

On va plutôt être dans le classique, avec une histoire complète.

Alors, si mes comptes sont bons, tu es le petit dernier arrivé dans l’équipe Thorgal et c’est toi qui a la charge et l’honneur de reprendre la série.

Surtout le poids…

Est-ce que tu ressens un gros poids, une grande pression à reprendre les albums de Thorgal ?

J’ai déjà deux tomes avec le spin-off, même si ça ne fait pas beaucoup, néanmoins, ça s’inscrit dans la continuité. Alors, c’est amusant parce que le poids, la bande dessinée est un métier solitaire, on est chez soi, on se bat contre soi, ses propres réflexions et le poids, on le rencontre lors de séances de dédicaces avec les lecteurs et là on se dit,  que peut-être effectivement avec Thorgal, il faut se mettre un petit peu la pression.

Alors, c’est venu comment avec Rosinski pour que finalement, ce soit vous qui repreniez le personnage ?

C’est un peu une énigme, comme il l’a expliqué en conférence de presse lors de la passation, il retrouvait un peu de lui dans mon dessin. Je pense que c’est surtout cette énergie, le foisonnement. C’est vrai que j’aime bien, même dans les paysages, que ça vive et je sais que lui avec ses personnages, quand on lit un Thorgal, c’est le reflet de ses émotions tout au long d’une année, tout au long de la création. Le personnage bouge beaucoup et n’est pas forcément constant, c’est ça qui est intéressant. C’est vrai, je pense qu’en bande dessinée, on ne fait pas d’illustration, pas du dessin animée. En dessin animée, le personnage est toujours au modèle, il ne bouge jamais, tout le temps parfait. Moi, j’estime mais c’est ce qu’ils font en manga, toute proportion gardée, que le personnage doit vivre en fonction des cases, en fonction de ce qui se passe. Il n’est pas obligé qu’il soit toujours pareil, bien constant : le dessin des personnages, c’est le reflet de notre humeur du moment, sachant qu’il ne faut quand même pas que ça varie trop non plus.

Alors, tu parlais d’illustrations, j’ai cru comprendre que les albums Kriss de Valnor étaient réalisés de manière numérique.

C’est ça, tout à fait !

Du coup, ça fait une sacrée différence même si je trouve le dessin tellement dynamique que ça ne pose pas de problème. Maintenant quand on voit les dessins de Rosinski qui ressemble plus à des peintures. Pourquoi avoir choisi de se tourner vers des procédés électroniques, est-ce que Rosinski a-t-il vu cela d’un bon oeil ?

En fait, Rosinski est sensible à la nouveauté, il faut voir qu’il s’est toujours renouvelé dans sa carrière et là, je pense qu’il est intrigué par cette technique. On ne parle pas trop avec Rosinski  de technique, traditionnelle ou numérique. Par contre, les originaux revêtent une grande importance car pour ma part, j’ai appris la bande dessinée en allant voir des originaux, en regardant comment les coups de pinceaux ont été mis. Avec quels outils, le dessin a-t-il été réalisé. A l’époque de mes débuts, il n’y avait pas Internet et je pense que c’est très important de faire des originaux car sinon les générations futures n’auront rien à regarder. Le traditionnel, le numérique, ce sont des techniques et quelles qu’elles soient, on fait toujours de la bande dessinée.  Je ne pense pas qu’aujourd’hui, on voit quelles techniques sont utilisées mais je pense par contre qu’il est important pour Thorgal, c’est qu’il y ait des originaux.

Je vais sur le prochain album faire en sorte petit à petit à me remettre à faire des originaux.

C’est une très bonne idée, d’autant plus qu’aujourd’hui, il devient de plus en plus prégnant de ne pas se passer des revenus de la vente d’originaux.

Effectivement, ça peut être une part non négligeable dans la rémunération mais au-delà de ça, il y a aussi l’aspect retraite qui permettra peut-être de l’assurer un peu mieux.

C’est important également de posséder des originaux pour l’organisation d’exposition ?

 Effectivement, après avec quelques auteurs qui travaillent en numérique, on se pose la question de créer des sortes d’originaux à partir de numériques en faisant réaliser un tirage papier de qualité, labellisé, signé et qui serait en quelque sorte le seul et unique original.

Je ne suis pas convaincu que ça rencontrerait un vif succès.

Cela pourrait marcher à la condition que beaucoup d’auteurs le font. EN fait, la question se pose vraiment, c’est vrai que l’on nous demande de faire de plus en plus vite des albums et que se pose le moment de laisser une trace.

Ne pourrait-on pas alors, alterner les pages numériques et traditionnelles dans un album ?

C’est une solution envisageable d’autant plus quand on sait que l’on va faire une illustration pleine page.

Concernant les originaux, j’ai lu dans l’interview d’un confrère, que Rosinski continuera à dessiner les couvertures. Est-ce qu’il est prévu que tu les réalises également un peu plus tard ?

En fait, ça me fait extrêmement plaisir que ce soit Grzegorz qui les réalise. Thorgal, c’est la bande dessinée de mon enfance et j’ai toujours vu Rosinski les faire et également, comme j’ai la casquette « cover artist » de la collection Mythologie (éditions GLENAT), cela ne me gêne pas que quelqu’un d’autre fasse la couverture à ma place, je trouve important qu’il y ait une homogénéisation des couvertures pour une série. De plus, c’est quand même Rosinski qui fait les couvertures dont quelques unes sont quand même mythiques. C’est pour moi un énorme cadeau, ça me fait extrêmement plaisir.

Par ailleurs, je sais que s'il arrête la bande dessinée, c’est qu’il a envie de se faire plaisir en  faisant de la peinture.

Revenons à Kriss de Valnor, est-ce que Rosinski est intervenu sur ton dessin ?

Il est intervenu sur le premier album, alors que je lui avais envoyé les dix premières pages, en redessinant certaines cases en me montrant les émotions, les intentions, qu’il fallait faire passer.  C’était plus un côté didactique qu’autre chose. Les modifications ont porté principalement sur le visage de Kriss, afin de transmettre une certaine émotion. Après, il m’a laissé  réaliser l’album.

Quand je fais une planche, tout est transparent, je l’envoie à Rosinski, aux scénaristes et à l’éditeur, je montre à tout le monde.

Alors comment fonctionnez-vous avec le scénariste  Mathieu Mariolle, comment recevez-vous le synopsis ?

Sur le premier diptyque, je suis arrivé alors tout était déjà a peu près bouclé. Par contre, pour le second, Mathieu a fait un synopsis qu’il nous a soumis (le dessinateur et Gauthier Van Meerbeeck, directeur éditorial des Éditions du Lombard) et après quelques petits ajustements, Mathieu a fait le découpage. De toutes les façons, que ce soit au story-board, au niveau du scénario ou quand je fais mes encrages, il y a la possibilité d’intervenir à tout moment, de modifier. La planche faite, je la scanne et l’envoie au scénariste et à l’éditeur. En début de mois, j’envoie six à sept planches de story-board qui correspondra aux planches encrées réalisées en fin de mois.

Tu as une puissance de travail, c’est dix à douze heures par jour ?

Oui, c’est ça et d’autant plus cette année que j’avais un « Neige » à faire ! Je m’étais engagé auprès des deux éditeurs, Glénat pour Neige et Le Lombard pour Kriss de Valnor, à respecter les délais de chacun et ça été complètement transparent pour eux. Maintenant, le challenge est de ne faire que Thorgal pour les deux à trois années à venir et les couvertures de Mythologie car c’est un vrai plaisir de les dessiner. L’objectif étant de faire un album de Thorgal par an, sachant que je ne ferai pas les couleurs.

Ne ressent-tu pas alors une frustration à ne pas faire les couleurs ?

 Non, les couleurs de Thorgal, ce n’est pas celles que je ferai.

Donc, du coup, si tu fais des originaux de Thorgal, il faudra que tu t’adaptes à ces couleurs ?

Non, on va revenir sur du noir & blanc. Je ne vais pas faire de la couleur directe sur les planches de Thorgal. Pourquoi aussi, parce que sa couleur, c’est une patte qui lui est propre ; sa façon de faire les couleurs est hyper personnelle. Honnêtement je peux plus refaire ses encrages que sa couleur. Même si sur Neige, je m’approchais un petit peu de ce côté pictural. En fait, c’est un travail de lumière, c’est très structuré. Comme je travaille en numérique, c’est possible mais ce n’est pas l’intérêt de faire ça. Je pense que beaucoup de lecteurs sont sensibles à l’encrage. Je ne sais pas si c’est mieux ou moins bien mais moi, j’ai envie de revenir à de l’encrage classique comme j’ai fais sur Kriss. Donc, pas de frustration sur la couleur et après, j’ai une approche couleur dans le sens où quand je fais mes encrages, je pense au sens des lumières et à ce que va faire le coloriste après. Pour Gaëtan, j’essaie de lui offrir le maximum de documentation, de lui décrire le maximum de mes intentions afin qu’il puisse bien travailler.

Revenons à  Thorgal, de qui sera le scénario du prochain ?

De Yann, je suis actuellement sur les premières planches. Avec Yann, c’est un bon dialogue qui s’instaure entre nous et il y a un truc très marrant, c’est qu’il propose sur son synopsis  des versions alternatives et que je suis allé souvent sur ses versions alternatives ! Il fait en sorte ensuite de réajuster. Ce que je ne sais pas, c’est si c’était des perches qu’il me tendait pour voir un peu comment je réagirai. Une fois les ajustements, il a fait entièrement tout le découpage de l’album, ce que j’aime particulièrement car ça permet à chacun de tenir sa place.

Propos recueillis par Bernard LAUNOIS dans le cadre du festival Quai des Bulles St Malo le 13 octobre 2018

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Rédigé par Bulles de Mantes

Publié dans #Interviews

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Publié le 3 Novembre 2019

Interview réalisé au cours du festival Quai des Bulles le 26 octobre 2019.

Bonjour Joël Legars, je suis ravi de vous rencontrer et de discuter avec vous au sujet de votre nouvel album tout fraichement paru, L’écolier en bleu, Chaïm Soutine. Dans la postface de votre album, il est dit que vous appréciez particulièrement Chaïm Soutine. Qu’est-ce qui vous a poussé à faire un album à son sujet, et en particulier sur son séjour à Champigny-sur-Veude ?

On voulait réaliser quelque chose ensemble Fabien Grolleau et moi, et il m’avait suggéré différents projets. Je lui ai proposé de travailler sur la vie de Soutine : c’était un peintre que j’appréciais beaucoup depuis mon adolescence, et chaque fois que je lisais des écrits sur lui et en voyant des documentaires j’étais toujours épaté par sa vie tumultueuse et par son caractère entier, par l’homme, car c’est quelqu’un qui me touche du fait qu’il a une histoire assez difficile, qu’il vient d’un milieu très pauvre : il a grandi dans un shtetl, une petite communauté juive en Biélorussie, et j’admire tout le parcours qu’il a eu de la fin de son adolescence à ses derniers jours pour s’intégrer et pour se protéger, son parcours très intègre avec sa volonté d’avoir une écriture picturale personnelle.

Il n’a jamais voulu se laisser influencer par les courants et par ses confrères artistes…

Oui parce qu’il avait quand même des amis prestigieux : il a partagé l’atelier de Modigliani plusieurs années jusqu’à la mort de celui-ci, il l’a donc beaucoup côtoyé et ils ont beaucoup bu et fait les 400 coups ensemble; il a côtoyé aussi Picasso, enfin beaucoup d’artistes qui ont fait l’histoire de l’art occidental. Cela me questionnait car ce n’est pas le plus connu des peintres dans l’histoire de l’art : même si sa côte atteint aujourd’hui des sommets et qu’il est internationalement connu, il ne touche pas autant de public en France que d’autres courants, impressionnisme, cubisme, surréalisme etc. Cela reste un mystère pour moi, que comparé à ces derniers Soutine reste en France un peu au second plan. C’était donc l’occasion d’aller plus loin, en travaillant avec Fabien sur le scénario, en allant sur place dans le village de Champigny-sur-Veude pour mieux connaitre les détails de sa vie, et c’est une nouvelle personne qui s’est révélée à moi.

A titre personnel, qu’appréciez-vous en lui, en quoi vous a-t-il marqué ?

Ce que j’aime le plus de lui ce sont ses portraits. J’aime aussi certains paysages tourmentés, déformés, dans lesquels il y a une certaine énergie, mais ce sont surtout ses portraits…

Des portraits qui montrent un peu l’âme des personnages…

Oui c’est exactement cela, au point qu’il vieillit les personnages et qu’il lui est arrivé que des jeunes modèles en soient choqués et s’en plaignent, mais on s’aperçoit après que le temps ait passé que ces jeunes personnes une fois devenues plus âgées se mettent à ressembler au portrait qu’il avait fait d’elles naguère : il a réussi à trouver l’essence des personnages, et c’est cela que j’aime dans ses portraits. Et puis graphiquement ou picturalement j’aime son style jeté, un peu expressionniste, et son humour qui finalement transparait dans les portraits, quelque chose de beau et terrible à la fois, de tragique aussi.

Vous avez insisté sur sa maladie, sur son ulcère qui le rongeait et les souffrances qu’il endurait, et d’autre part vous avez décrit ses crises de rage incontrôlées : avez-vous voulu faire un lien entre ces deux facettes de son personnage ?

 

Je pense que c’est peut-être un peu lié, mais qu’en même temps il devait y avoir un terrain favorable, quelque chose venant de plus loin dans son caractère. Reconnaissons que nous-mêmes lorsqu’on est malade on est plus vite irrité, alors lorsque cela s’ajoute à une propension naturelle… Car il souffrait vraiment beaucoup, il avait des crises qui l’anéantissaient et il pouvait rester des mois sans être capable de travailler tant la douleur l’envahissait : il restait à l’ombre, les rideaux fermés, dormant tout habillé… Il devait tout de même avoir un caractère entier à la base et il y avait beaucoup de choses qu’il ne supportait pas, les demi-mesures, il était un peu excessif, un peu caractériel. Il n’a jamais accepté par exemple qu’on le regarde peindre.

 

Tout à fait, et je me demandais aussi justement si vous étiez un peu comme lui sur ce point ?

 

Un petit peu (rire). Bon pas vraiment car je travaille en atelier et on peut me regarder quand même, mais je n’aime pas trop quand on reste derrière moi. Bien sûr je ne vais pas m’énerver, je reste courtois (rire).

Avez-vous essayé de faire ressortir « l’âme » de Soutine, celle qui transparait dans ses tableaux, dans le dessin et dans les couleurs ?

Pas tant que ça, j’ai plutôt voulu me mettre dans la position d’un observateur extérieur qui s’approcherait de lui, pour montrer le côté attachant du personnage. D’un point de vue pictural je n’ai pas du tout voulu rentrer dans sa façon de peindre.

C’est donc ce côté attachant qui est l’éclairage que vous avez voulu donner sur lui ?

Oui il y a beaucoup de légendes sur lui. On a dit bien souvent qu’il était laid, qu’il était grossier, qu’il était inculte. Mais au contraire j’ai lu certains documents qui révèlent qu’il avait du charisme et que non, il n’était pas laid. Il avait un caractère introverti, et comme il venait d’une culture très différente et qu’il avait eu un peu de mal à bien parler le français il pouvait sembler rustre.

La postface de l’album veut en quelque sorte réhabiliter Marie-Berthe Aurenche, est-ce une des intentions premières de l’album ?

Exactement, cela en fait partie, parce qu’il y a eu beaucoup de choses plutôt dures sur elle qui souvent ont été répétées de manière un peu paresseuse par les journalistes et les historiens, qui reprenaient ce que quelqu’un avait déjà dit sans en avoir jamais vérifié la véracité. Nous avons voulu faire notre enquête de façon plus approfondie. C’était vraiment quelqu’un d’intéressant, qui avait été la femme de Max Ernst. Elle était la muse un peu noire, elle avait son petit caractère, elle était fantasque, et très parisienne, coquette, mais je ne pense pas qu’elle ait été puérile

comme on l’a décrite. On la taxe un peu de stupidité ou de légèreté mais je ne le crois pas, je pense qu’elle était sincèrement attachée à Soutine et qu’elle l’aimait, on le voit dans ses lettres. Soutine était vraiment l’homme qu’elle avait aimé dans sa vie. Elle s’est suicidée en 1960, et peut-être était-ce lié à Soutine ? Elle n’était plus la même après les années qu’elle avait partagées avec lui, elle a commencé à décliner après la mort de Soutine. Je crois qu’elle était vraiment attachée à lui et que si elle était maladroite dans sa façon de gérer certaines situations, je ne pense pas que ce soit quelqu’un de foncièrement intéressée, au contraire elle était assez fine et intelligente. Soutine ne serait pas resté avec elle sinon.

Qu’avez-vous voulu montrer dans la relation entre Soutine et le petit Marcel ?

C’est intéressant parce-que on sait que Soutine a de plus en plus voulu au fur et à mesure des années dessiner des êtres vivants alors qu’à ses débuts il représentait plutôt des natures mortes : des carcasses d’animaux comme son Bœuf écorché, des repas, ce qu’il mangeait ou même ce qu’il ne pouvait pas manger tellement il était démuni. C’étaient les débuts de sa vie d’artiste, mais plus tard dans les dernières années de sa vie, peut-être du fait de sa relation avec Marie-Berthe Aurenche, et avant elle avec Garda sa précédente compagne, il en est davantage arrivé à représenter la vie ; et l’enfant, je pense que lorsqu’il l’a peint c’était pour lui une sorte de retour à la vie, même s’il était très malade.

J’ai relevé dans deux vignettes de la page 72 un air de ressemblance entre le petit Marcel et Soutine...

Oui c’est vrai.

Je me suis demandé si inconsciemment vous avez voulu montrer que Soutine se projetait dans le petit garçon ?

Effectivement c’est peut-être lui, Soutine, qui se projetait le plus en fait. Dans l’album l’enfant est en admiration devant Soutine, même s’il le craint un peu, il est attiré par sa vie, par le personnage, par son art. Dans la vie Marcel s’est ensuite marié avec une personne fortunée et il n’a travaillé que deux jours dans son existence, et il est resté toute sa vie à attendre au bord du chemin sans rien faire, vêtu d’un gros pull. J’en ai discuté avec un historien qui l’a connu comme cela, et qui, lorsqu’il est arrivé à Champigny, a loué une des maisons de Marcel. C’est ainsi qu’ils se sont rencontrés et que Marcel lui a raconté plein de petites histoires sur Soutine.

Hasard des calendriers, la romancière et essayiste Géraldine Jeffroy a fait paraitre Soutine et l’écolier bleu au début 2019, l’avez-vous lu y voyez-vous une complémentarité entre votre œuvre et la sienne ?

Elle nous l’a envoyé mais je n’ai pas encore eu le temps de le lire, je vais maintenant pouvoir le faire et j’imagine qu’on va certainement retrouver des points dans nos deux ouvrages, car elle parle vraiment de la même période.

Votre album n’est pas une biographie de Soutine, même si vous évoquez habilement sa vie par l’histoire qu’il raconte lors du repas de Noël et parallèlement par l’enquête menée sur lui par la police de Vichy. Vous avez fait une fiction biographique, en quoi avez-vous pris des libertés avec la réalité ?

Oui mais si nous avons pris des libertés c’est seulement dans les liens entre les situations, car tous les événements que nous avons évoqués se sont réellement produits. Il y a quelques personnages qu’on a pu rajouter, d’autres qu’on n’a pas mis, des petites situations de pique-nique… mais globalement on a gardé une trame assez réelle.

Comment travaillez-vous avec Fabien Grolleau ? Y-a-t-il de nombreux allers-retours ? Intervenez-vous beaucoup ?

On a déjà beaucoup discuté avant, et de mon envie de travailler sur ce thème. Je lui ai confié des livres que j’avais et il a essayé de trouver un angle. Parce-qu’au fond je ne me voyais pas travailler seul sur Soutine, je ne voyais pas trop comment l’aborder et je me suis dit que quelqu’un d’extérieur aurait certainement un autre angle d’approche, et voilà comment tout a commencé. Je connaissais déjà Fabien depuis quelques années et je connaissais aussi son talent de scénariste. Et ce que j’aime le

plus chez lui c’est son talent de dialoguiste, il sait apporter une touche de vrai, de naturel dans l’histoire. Il m’a proposé de travailler sur la période de Champigny-sur-Veude, après avoir vu sur internet que la veuve du petit Marcel, l’écolier en bleu, vendait la palette que Soutine avait léguée à son mari. A partir de là il a vu qu’il y avait toute une histoire dans ce village, que cette palette avait une histoire, les liens avec le petit garçon, et de fil en aiguille le cheminement du récit est venu.

Quelle technique avez-vous utilisée pour réaliser cet album, et en général?

Une technique très traditionnelle, je travaille sur papier avec une sorte de crayon noir épais assez gras Faber et Castel.

Et pour les couleurs, vous avez donné des indications précises à la coloriste?

Oui il y a eu pas mal de va et vient, car en fait c’est assez difficile de mettre des couleurs sur du crayon gras. Je connaissais déjà Anna Conzatti qui avait réalisé les couleurs d’un album précédent que j’avais fait, une adaptation d’Arsène Lupin, c’était donc plus facile. Elle travaille sur photoshop.

De façon humoristique je vous demanderais dans quel état d’esprit êtes-vous quand vous dessinez ? Ecoutez-vous de la musique ? Vous montrez Soutine au travail dans l’album, comme lui vous jetez-vous sur vos planches dans un état d’excitation frénétique?

Je peux être comme cela lorsque je fais l’encrage, il faut être assez concentré et c’est intense. Par contre, quand je suis dans le dessin et dans la construction je suis plus sage (rire). J’essaie de trouver de l’énergie, c’est pour cela qu’on voit dans certaines pages c’est un peu jeté. C’est le lien qui me relie à sa technique, je voulais que ce soit quelque chose de vivant et d’assez instinctif.

Et quelle a été votre relation avec votre éditrice Elisabeth Haroche ? Est-elle beaucoup intervenue ?

Elle intervient oui, mais elle nous laisse quand même une grande latitude. En fait elle a beaucoup travaillé en amont sur la lecture du scénario, et je pense qu’elle s’était déjà fait une idée de ce que cela allait donner. Je lui envoyais par lot de dix pages et nous en parlions à ce moment-là, et il n’y a pas eu vraiment de choses à refaire, tout s’est passé assez naturellement. Elle avait plutôt des questions sur certains détails : à un moment on voit l’étoile de David, et il y a eu un petit blocage car elle ne savait pas si cela s’était vraiment passé, ou si ça pouvait se passer de cette façon à ce moment là et dans un village comme celui-ci. Et est-ce que le garde champêtre pouvait avoir cette autorité là ? Voilà ce sont plutôt les petits détails historiques sur lesquels on a travaillé.

Quels peintres classiques ou modernes aimez-vous, hormis Soutine?

J’aime bien les peintres de cette époque. Je suis assez figuratif, et quitte à ne pas paraitre à la mode j’aime bien la peinture fin 19e et début 20e, impressionnistes et post impressionnistes, fauvistes, on va dire jusqu’aux années 40, après cela m’intéresse moins, à part des plasticiens qui travaillent sur les affiches.

Les biopics et les fictions biographiques sur les peintres ou les écrivains sont assez à la mode depuis quelques années, vous-même voudriez-vous retravailler sur un peintre ? Si vous deviez choisir librement un sujet aujourd’hui, lequel aimeriez-vous faire ?

Plus sur la littérature. Il y a certains classiques que j’aime, comme Dostoïevski, il faudrait que j’en parle à mon éditeur.

Et vos influences en dessin, quels dessinateurs BD vous ont touché ou inspiré ?

Des choses très différentes de ce que je fais, par exemple des choses très simples, presque minimalistes, ou des gens comme Dupuy et Berbérian, comme Chaland, des gens très lisibles. Il y a longtemps je travaillais comme cela.

Et là votre style a évolué ?

Avec cet album mon style a évolué, et je pense qu’en réalité c’est plus mon dessin naturel. Ce que je faisais avant était plus une construction culturelle, une construction de choses que j’aimais bien, que j’avais lues dans mon enfance, peut-être plus confortables pour moi mais qui ne représentent pas forcément qui je suis. Je suis peut-être graphiquement plus comme dans cet album, plus expressionniste, avec un côté plus charbonneux. En fait je me découvre, j’ai encore des choses à apprendre de moi (rire)… Donc pour moi il est réellement important cet album, parce que j’ai fait un pas, j’ai vraiment changé et je pense que je vais continuer dans ce sens là.

Et vous avez commencé un nouveau projet?

Oui j’ai des esquisses de projet, mais il m’est difficile d’en parler tant qu’ils ne sont pas plus avancés. En fait je n’ai pas terminé Soutine depuis longtemps, il n’est sorti qu’il y a trois jours. Je suis donc sur certaines choses mais rien n’est définitif.

Merci Joël Legars pour ce moment passé ensemble et bravo pour votre album très réussi.

Photo : © Bédéthèque.com

Illustrations : Grolleau et Legars © Steinkis 2019

 Jérôme Boutelier

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Rédigé par Bulles de Mantes

Publié dans #Interviews

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