Rocketeer, créé par l’auteur Dave Stevens, a rencontré dans les années 80 un franc succès malgré une sortie éditoriale qui fut assez chaotique eu égard aux soucis financiers rencontrés par l’éditeur Pacific comics des frères Schanes.

Finalement, la production s’est limitée à deux albums réalisés par Dave Stevens parus dans les années 80 et quelques fascicules dans les années 2010 édités par IDW Publishing et confiés à des différents auteurs suite au décès de l’auteur d’origine.

Est-ce le succès commercial des adaptations cinématographique et télévisuelle réalisées par les studios Disney qui ont incité à remettre en selle l’aviateur Cliff et sa pulpeuse Betty ? Toujours est-il que ces personnages ont marqué et inspiré bon nombre de scénaristes et de dessinateurs qui se sont prêtés au jeu de réaliser des saynètes assurément plus satiriques que celles réalisées par Dave Stevens.

De John Cassaday (Captain America) à Dave Gibbons (Watchmen) en passant par Mike Kaluta (Batman) … La pléiade des artistes s’avère impressionnante.

Composé d’une douzaine de bandes dessinées dont un récit illustré à la manière des années 30, ce collectif permet de (re)découvrir les aventures du jeune officier hors pair qui ne se contenta pas d’être un adepte de loopings lors de meeting aériens, créant sa légende de sauveur de la veuve et de l’orphelin grâce à une fusée dorsale.

Avec des styles de dessin plutôt divers et variés, on découvre notre héros tantôt dans un style années 1950, tantôt dans un dessin des années 1980, voire récent que le talentueux Romain Hugault ne renierait pas.

Voilà un retour salutaire d’un de ces héros de papier qui aura illuminé bon nombre de lecteurs de cette génération dorée et qui sait en attirera d’autres.

ROCKETEER, nouvelles aventures collectif éditions DELCOURT  128 pages 18,50 € 12/03/2025

Bernard LAUNOIS

« Un être seul vous manque et tout est dépeuplé », voilà une phrase de Lamartine que l’auteur Laurent Astier pourrait faire sienne alors qu’une amitié indéfectible va être bouleversée par la maladie de Cyril et sa soudaine disparition. Dix ans ont passé et son absence résonne toujours régulièrement dans la tête de Laurent, en se rappelant les bons moments passés ensemble, le regret de ne pas avoir été à ses côtés alors que la maladie s’emparait de son corps, mais aussi maintenant à faire comme s’il était toujours là, l’associant par la pensée aux événements de sa vie qui continue.

Il y a des rencontres qui marquent une vie et celle de ces deux êtres en est une alors que leurs caractères s’avéraient aux antipodes : Cyril le communicatif et Laurent le timoré et pourtant l’alchimie a eu lieu.

Le scénariste Laurent Astier narre avec beaucoup de sensibilité ces années passées d’insouciance de la jeunesse, de sa difficulté encore aujourd’hui à revenir sur toutes les périodes vécues avec son ami, les bonnes comme les mauvaises mais également de la résilience dont il fait encore preuve.

Avec un récit peuplé de flashback, l’auteur immerge le lecteur dans sa vie, le prenant à témoin de ses joies, ses espoirs et ses peines sans une once de misérabilisme.

Avec un découpage rythmé par des codes de couleur permettant de situer les périodes de la vie, les moments de joie, de peine… le dessin réaliste de Laurent Astier s’avère toujours aussi efficace.

Voilà un récit autobiographique des plus bouleversants qui en dit long sur l’amitié avec un grand A.

LA FORCE DE VIVRE Laurent ASTIER éditions RUE DE SEVRES 232 pages, 29,90 € 23/04/2025

Bernard LAUNOIS

Il y a bien longtemps que l’agent littéraire Morris Milmann n’avait eu un auteur renommé à promouvoir. Alors, quand il rencontre fortuitement dans une librairie Wilbur H. Arbogast, un auteur de pulp dont il adore le travail, il se dit alors que c’est assurément le moment idoine pour l’aborder et lui demander s’il n’aurait pas un récit sous le coude.

Après un accueil des plus réservés, le romancier déchu par lui dire qu’il n’a plus rien écrit depuis six ans sinon le récit de son expérience de mort imminente lu par trois lecteurs d’une maison d’édition dont deux ont tourné fous et le troisième s’est défenestré. Morris Milmann, sans avoir lu une ligne du roman, s’empresse de contacter des financiers qui, alléchés par les dires de l’agent, proposent une somme rondelette, ne serait-ce que pour lire ce fameux recueil.

Seulement, Wilbur H. Arbogast ne veut pas vendre car il considère que son livre est trop dangereux et puis surtout, au-delà de ses écrits, il lui confie qu’il veut fonder une religion, diriger le monde…

Morris Millmann ne sait plus où donner de la tête, stopper le projet qui n’a aucun avenir selon lui, poursuivre cette folie qui captive sa jeune épouse ?

Réalité ou fiction, le scénariste Fabien Nury cultive l’ambiguïté tout au long de ce premier tome, emmenant son lectorat dans la folie du romancier qui croit dur comme fer à ses propos au point de les faire partager par son entourage.

Avec une remarquable mise en images, plutôt ligne claire et au style reconnaissable entre mille, le dessinateur Brüno a cette fois collé son dessin sur un style plutôt comics convenant parfaitement au récit et si l’on s’y ajoute les aplats de couleurs de Laurence Croix, on se croirait revenu dans les bd américaines des années 50, un must.

Fabien Nury et Brüno, voilà un duo qui n’en est pas à ses premières collaborations, d’Atar Gull à l’homme qui tua Chris Kyle en passant par Tyler Cross et chaque fois remplies de succès, et la lecture du premier tome de ce diptyque laisse transparaitre que cette série semble suivre le même chemin. 

ELECTRIC MILES T1, Wilbur Fabien NURY/BRÜNO éditions GLENAT, 104 pages 20,50 € 02/04/2025

Bernard LAUNOIS

480 après Jésus-Christ, alors que l’empire romain ne règne plus depuis quelques années, voilà qu’un ancien légionnaire borgne flanqué de son jeune fils maigrichon errent jusqu’au fin fond des Pyrénées à la recherche d’un travail de combattants qui leur permettrait de subsister. Seulement la tâche s’avère difficile car les étrangers se heurtent à la méfiance des villageois habitués à vivre en autarcie. Rapidement informé qu’un vieil homme borgne et un jeune freluquet avaient rossé trois mercenaires engagés par ses soins, Arbogast le maitre des lieux s’empresse de les prendre à son service afin de sauver les enfants du village du satanique Drac.

Dès les premières pages, beaucoup de questions vont titiller le lecteur à commencer par se demander d’où sort ce jeune Jian, armé d’un sabre qu’il manie à la perfection, quel est ce fameux Drac qui terrifie la région, mythe ou réalité ?

Après la série Stern déclinée en cinq tomes, voilà que Frédéric et Julien Maffre remettent le couvert et cette fois tous les deux au scénario pour nous concocter un récit fort bien ficelé, où s’entremêlent croyances anciennes et christianisme alors que l’Europe sort tout juste d’une hégémonie romaine. Ce scénario se révèle également une belle histoire humaine, faite d’improbables rencontres, de personnages attachants.

La belle mise en images a été confiée à Ludovica Ceregatti qui s’est emparée avec talent de ce récit fantasy, avec son style plutôt réaliste aux encrages précis et rehaussés des couleurs pêchues de Denis Béchu et Julien Maffre.

Du fantastique dans l’histoire avec un grand H, du rythme, de l’action mais aussi de belles preuves de solidarité, ce premier tome apparait fort prometteur d’une série qui pourrait ressembler à une belle saga.

JIAN T1 Ceux de la montagne Frédéric et Julien MAFFRE/Ludovica CEREGATTI éditions LE LOMBARD 76 pages 16,95 € 17/04/2025

Bernard LAUNOIS

Passionnée de lecture, la jeune Taiwanaise Lu intègre l’université de Taipei. Rapidement familiarisée avec la vie estudiantine et la liberté qu’elle offre, loin du joug familial, Lu fait incidemment la rencontre de Nanjun, jeune musicien nippo-taiwanais, à la sortie d’un concert.

C’est dans un premier temps leur passion pour la pop culture japonaise qui va les rapprocher et plus particulièrement la musique d’Haruomi Hosono, pionnier de la musique électronique au pays du soleil levant, et celle pour la littérature d’Haruki Marukami, célèbre écrivain dont les œuvres sont traduites dans une cinquantaine de langues.

Les semaines passent, et son assiduité estudiantine s’estompe car elle ne pense qu’aux moments passés avec Nanjun, guettant les concerts du groupe de son jeune ami, espérant secrètement se rapprocher encore plus de lui. Si partager avec le jeune homme tout cet art japonais la ravit, elle se rend à l’évidence qu’elle en est tombée éperdument amoureuse.

Au travers des émotions suscitées par la lecture et la musique japonaise dans l’atmosphère de toute la vague pop des années 70, la scénariste Gao Yan plonge, avec toute la sensibilité qui la caractérise, le lecteur dans l’intimité d’une jeune fille qui s’ouvre au monde et découvre l’amour.

Avec un dessin hyperréaliste, tout en finesse et précision, la dessinatrice Gao Yan fait évoluer ses personnages dans des décors très fouillés.

Avec ce diptyque, voilà un manga seinen qui ne peut que retenir toute l’attention et qui mériterait assurément de nouveaux opus, ne serait-ce que pour prolonger la magie du récit conjugué à son dessin, mais aussi en connaitre de la vie de Lu après cette période d’insouciance vécue avec son ami Nanjun.

THE SONG ABOUT GREEN T1 & T2 Gao YAN Éditions CASTERMAN, 280 et 304 pages, 14,50€ chaque volume 19/03/2025

Bernard LAUNOIS

Un retour salutaire vers un personnage emblématique de Moebius

Si la suite d’Arzak n’a pas vu le jour comme bon nombre l’auraient tant aimé, le génial et prolifique Moebius nous ayant quitté beaucoup trop tôt, les éditions Moebius Production offrent une petite perle aux lecteurs en éditant un superbe album riche de près de 250 pages. Il est composé en trois parties, reprenant dans sa version colorisée numérique le tome 1 dénommé L’arpenteur, initialement sorti aux éditions Glénat et épuisé aujourd’hui, puis sa suite inachevée en noir & blanc et cerise sur le gâteau, les recherches scénaristiques richement illustrées à même de donner des clés de lecture et des pistes pour imaginer la suite de l’histoire.

Alors, pour ceux qui n’auraient pas encore lu Arzak l’arpenteur, c’est le moment de présenter ce guerrier solitaire chevauchant son infatigable ptérodelphe télépathe à la poursuite de l'anomalie sur la planète de Tassili, sillonnant des étendues désertiques peuplées de créatures peu hospitalières. Initialement imaginé par Jean Giraud alias Moebius pour un vague projet de dessin animé qui n’a jamais abouti, cette histoire a fini par ressortir du tiroir pour un étonnant récit.

Concernant le premier tome, les éditeurs ont pris l’heureux parti pris de présenter, pour chaque planche, une double page affichant à gauche les textes et dialogues, et à droite les cases couleur sans bulles afin de mieux s’imprégner de leur réalisation.

Quant au deuxième opus, composé d’une trentaine de pages en noir et blanc réalisées à l’encre de chine, il bénéficie d’un texte d’entracte d’Isabelle Giraud, épouse de l’auteur, qui offre des éclaircissements sur le cheminement d’Arzak qui restera « le héros le plus personnel comme le plus intemporel de Moebius. 

Enfin, le lecteur rentrera dans les entrailles de la construction du récit avec tous les travaux de recherche et les archives du maître.

Que le lecteur connaisse ou pas Arzak, ce corpus final le plongera dans une aventure hors du commun, avec un style de narration et de dessins qui encore aujourd’hui inspirent bon nombre de dessinateurs de science-fiction.

ARZAK DESTINATION TASSILI MOEBIUS Editions MOEBIUS PRODUCTION 248 pages, 39,00€

Bernard LAUNOIS