Qui peut bien s’en prendre respectivement à un avocat a priori bien sous tous rapports, un jeune entrepreneur visiblement lié à la mafia, et un chauffeur de taxi ? Est-ce que ces crimes, bien que perpétués de manière radicalement différente ont un dénominateur commun ou pas ? C’est bien la tâche difficile à élucider que la hiérarchie de l’inspecteur Marian Ferentari lui a assignée alors que ce dernier ne se sent guère soutenu dans ses investigations.

Outre la sauvagerie avec laquelle l’avocat a été massacré et ce en présence de ses jeunes enfants, les premières constatations au domicile de l’avocat se résument à la découverte d’un véritable studio photo au sous-sol regorgeant de clichés et de films qui montrent des femmes de tous âges dénudées et dans les positions les plus scabreuses.

Cette fois, l’auteur complet Christophe Bec s’attaque, en tant que scénariste, à un polar des plus sombres dont l’action se situe dans les quartiers de Bucarest et plus particulièrement celui du Cinq où il a eu l’occasion de vivre, loin des quartiers touristiques mais près de ceux où industrie du sexe, drogue, corruption, et violence à tous les étages apparaissent au grand jour. C’est un portrait dur des bas-fonds de la capitale roumaine que dresse l’auteur au travers de son personnage principal qui, bien que blasé par sa hiérarchie, n’en mène pas moins un valeureux combat.

Le dessin du Roumain Christian Pacurariu s’avère à l’image du scénario, tout aussi noir. De ruelles sombres en établissements glauques, de personnages patibulaires en jeunes pépées faisant commerce de leur corps, l’encrage se révèle particulièrement soutenu et renforcé par les couleurs d’Alex Guimaraes.

Même si cela reste une fiction, on ne pourra s’empêcher de penser que ce monde existe à nos portes et qu’au travers de ce thriller plutôt réussi, il y a des hommes prêts à combattre ces fléaux.

SECTOR 5 Christophe BEC/Christian PACURARIU/Alex GUIMARAES Hors Collection Éditions SOLEIL 104 pages, 19,50 €

Bernard LAUNOIS

Collectionneurs de vinyles, de CD  ou de BD d’occasion, tous vont pouvoir se régaler comme chaque année au Salon Disques et BD de Limay les 15 et 16 mars prochains. On y trouve toujours autant d’exposants, et qui proposent pour tous les goûts et pour toutes les bourses : du pas cher (c’est la crise !), mais aussi, pour celui qui court après la perle rare, des « collectors » certes plus onéreux mais qu’à aucun prix on ne voudrait rater.

Big Band Vexinée nous régale donc pour la 27ème fois avec ses quelques 70 exposants invités pour 300 mètres de bacs remplis de pièces de collection, que se disputent plus de 1000 visiteurs.

Et puis comme tous les ans, Big Band Vexinée confie à Bulles de Mantes le soin d’organiser les séances de dédicaces avec des auteurs de BD : cette année, six auteurs seront présents chacun avec son univers, avec de la BD franco-belge :  aventures, historique, adaptation littéraire, sociétale, etc.. Avec du manga, et de la BD jeunesse : il y en a pour tous les goûts !

- Comme chaque année des œuvres de Jérôme Delangre seront présentes, un artiste venant du Graf Park.

- Backis (compagnon Emmaüs de Dennemont) artiste peintre exposera ses œuvres.

- Sera présent : Jean Louis Rancurel, photographe professionnel ayant immortalisé les plus grands artistes,ses photos seront à la vente.

Enfin, Bulles de Mantes présente l’exposition Delta Blues Café, prix 2024 de la bd aux couleurs du blues, avec une vingtaine de planches de l'album. Venez suivre les pérégrinations du professeur Moore de l’université du Mississippi dans sa quête de disques oubliés... et d'un amour perdu. Le récit de Philippe Charlot remarquablement mis en image par Miras vous fera traverser la région de Memphis sur les traces du blues.

Une ambiance conviviale et détendue qui favorise d’agréables moments de rencontre avec les auteurs : ne les manquez pas !

Gymnase Guy Môquet, Rue Charles Tellier, 78520 Limay

15 et 16 mars 2025 de 10h à 18h

Bernard Launois

Petit, asperge, maigre, gros, longiforme, difforme, bref… Pas dans ce que l’on nomme les stéréotypes véhiculés par la pub ou les médias et lorsque cela touche l’intime, cela peut prendre des mesures disproportionnées !  C’est le lot de bon nombre de personnes qui à tort ou à raison développent des complexes qui finissent souvent par faire les choux gras de la chirurgie esthétique.

Séraphin, patron d’une grande maison de lingerie, fait malheureusement partie de ces gens qui souffrent dans leur chair d’une infirmité guère avouable. Alors, quand en trouvant son patron sur la cuvette des toilettes sa secrétaire Aline constate que celui-ci n’a guère été gâté par la nature, elle est convoquée par ce dernier lui intimant de ne pas révéler cette infirmité à qui que ce soit. Seulement, Aline va-t-elle arriver à tenir sa langue ? Qu’adviendrait-il de l’avenir de Divine, le magasin de lingerie si l’information venait à être diffusée ?

Voilà un thème rarement abordé dans la bande dessinée que le scénariste Zidrou prend à bras le corps en datant son récit dans le Paris des années cinquante où l’attribut masculin reste l’emblème suprême de la masculinité. Et ce qui aurait pu n’être qu’une banale comédie d’une vie plutôt ordinaire dans un quartier chic de Paris se transforme en un questionnement de ce qu’est la normalité quand il s’agit de parler de nos corps.

Dès les premières pages, on sent que Paul Salomone a pris un réel plaisir à dessiner et à aquareller ce Paris des années 50 avec ses superbes décors où évoluent des personnages hauts en couleurs sans parler des lingeries qui remplissent la boutique, si caractéristiques de cette période.

LA CREVETTE ZIDROU/Paul SALOMONE Éditions LE LOMBARD 96 pages, 20,45 € 07/02/2025

Bernard Launois

Raphaëlle, fraichement reçue au bac, quitte sa famille et sa province pour démarrer une première année de fac en architecture. Dépaysement total, de nouvelles connaissances, un appart’, l’autonomie… Mais aussi rapidement, la prise de conscience qu’il va falloir se prendre en charge. Consciente que ses parents se sont saignés aux quatre veines pour lui payer ses études parisiennes, elle décide désormais de s’assumer financièrement. Seulement, les petits boulots qu’elle entreprend ne paient guère et surtout ils sont plutôt incompatibles avec sa vie estudiantine.

Que faire alors sinon peut-être s’inscrire à des sites où plein d’hommes sont prêts à te payer pour que tu passes du temps avec eux ? Sa décision est prise, c’est sous le pseudo de Sibylline qu’elle va essayer et s’il s’avère que ça ne lui convient pas, elle arrêtera tout bonnement.

C’est alors que les rencontres tarifées se multiplient et l’argent facile également. Seulement ses quelques expériences amoureuses avec des jeunes de son âge ne semblent pas s’accommoder de ces pratiques…

Vient alors pour Sibylline le temps du questionnement de sa nouvelle vie, son regard sur sa sexualité, son épanouissement mais aussi sa dépendance vis-à-vis de l’argent.

Sensibilisée par des pratiques qui toucheraient en France environ 20 000 mineurs, l’autrice Sixtine Dano a recueilli auprès d’un jeune homme et de six jeunes filles les ayant exercées pendant leurs études, leurs témoignages qui ont servi de base à ce récit des plus réussis mais aussi des plus bouleversants.

Le dessin réaliste effectué à l’encre de chine et au fusain de l’autrice Sixtine Dano rend les personnages de cette histoire plus vrais que nature et renforce le récit.

Sibylline, par son histoire qui bouscule, interroge voir terrifie mais aussi par son dessin qui sublime le récit, se révèle être une belle lecture de ce début d’année.

SIBYLLINE, Chroniques d’une escort girl Sixtine DANO Hors Collection Éditions GLENAT 164 pages, 22,50€

Bernard LAUNOIS

Qui est-ce donc que cet énergumène fringué de nippes sorties tout droit de la Ressourcerie, qui aborde toutes les passantes pour les inciter à rejoindre sa Chorale de l’Amour ? C’est Fan Man, alias Horse Badorties qui un matin, du fond de son appart’ de squatt en plein cœur du Lower East Side à New York, a eu l’inspiration de quérir un max de « poulettes » de toutes origines, pour venir chanter dans l’église Saint Nancy au rythme des ventilateurs.

Si l’idée pourrait apparaitre des plus farfelues de nos jours si ce n’est délirante, il convient de la remettre dans le contexte d’une période des années 70, très fleur bleue et surtout très baba cool dans un New York prêt à accepter toutes les extravagances sans que cela choque qui que ce soit.

Après l’excellente série R.I.P. aux allures morbides qui a tenu en haleine bon nombre de lecteurs, le duo Gaet’s au scénario et Julien Monier au dessin se s’est emparé avec talent du roman comique de William Kotzwinkle en faisant bien ressortir le côté frappa dingue du personnage, mais aussi la découverte improbable d’un individu qui sous ses airs de bonhomie se révèle attendrissant, voire générant de l’empathie.

Si le dessin de R.I.P. se complaisait dans le sale et le glauque, celui de Fan Man tranche particulièrement en offrant à ces errances au travers des quartiers de Greenwich village à Chinatown, une fraîcheur rehaussée par des couleurs chatoyantes à dominante d’orange, de brun… Si caractéristiques des années 70.

Voilà une belle parenthèse des plus salutaires dans notre monde d’aujourd’hui d’une période résolument aux antipodes de notre manière de vivre, au point de se demander si elle a vraiment existé.

FAN MAN, l’homme au ventilo GAET’S/Julien MONIER Éditions PETIT A PETIT 128 pages, 19,90 € 22/01/2025

Bernard LAUNOIS

Ryder, plus connue sous le nom de la terrible Revolver Ridge Ryder, coule des jours paisibles entourée de Darius son mari et de sa fille jusqu’à l’apparition d’une toux sanguinolente qui laisse présager une issue fatale. Peu de solutions s’offrent à elle sinon retarder l’échéance en se remettant aux bons soins d’un doc qui refile à Darius une fiole remplie de substances susceptibles de prolonger de quelques semaines ou de quelques mois son existence de bonne mère et d’épouse retirée des affaires. 

Accepter que la maladie s’empare de sa vie et surtout montrer devant les siens la déchéance physique que cela va engendrer ne fait pas partie de ses plans. Sa décision est prise, elle va se rendre à Cypress défier la grande faucheuse et l’on verra bien laquelle des deux fera la loi.

Dès lors, le scénariste Skottie Young va entrainer le lecteur dans une course contre la montre effrénée où Revolver Ridge Ryder reprend du service, avec rage et détermination, n’hésitant pas défourailler chaque fois que le besoin s’en ressentira pour arriver à ses fins, celles de rencontrer la mort et la défier.

Avec un scénario bien construit ménageant le suspense jusqu’à son terme, le scénariste évoque dans ce western un thème plutôt rarement abordé, celui du déni de la maladie et des conséquences qui découlent d’une telle attitude.

Après notamment la série au récit fantastique Middle West, le talent de Jorge Corona s’exprime cette fois encore avec force, transcendant ce récit humaniste et fantastique avec des scènes particulièrement dynamiques dans de superbes décors hauts en couleurs.

AUCUNE TOMBE ASSEZ PROFONDE Skottie YOUNG/Jorge CORONA Collection Urban Editions URBAN COMICS, 152 pages 21,00 € 07/02/2025

Bernard LAUNOIS