Bella Ciao (uno)

Publié le 1 Novembre 2020

Bella Ciao (uno)

 

Le prix de la transparence.

 

Le soleil et les coups, la haine, la peur. Les cris, les pierres, les couteaux, les fourches et même les fusils, ils hurlent et frappent. Dans un superbe lavis de gris, les 32 premières pages de Bella Ciao nous assènent un coup de poing en pleine figure. La scène d’un réalisme saisissant et très cinématographique décrit la tragédie d’Aigues-Mortes en 1893, où les ouvriers italiens ont été massacrés par des Français jaloux de leur emploi.

Bella Ciao évoque l’histoire de l’immigration transalpine, entremêlant des faits historiques, fictionnels et semi-autobiographiques dans une narration volontairement décousue, comme un processus de reconstruction de la mémoire. Une fois passée la terrible introduction, le récit change d’époque et de couleur et s’enracine dans la Lorraine du milieu du 20e siècle pour se muer en univers de comédie à l’italienne. Dans le désordre des souvenirs du narrateur se succèdent les scènes hautes en couleur de réunions familiales et de querelles de clocher. L’atmosphère est chaleureuse et enjouée, tendre et ironique, et les pages laissent exsuder le parfum de l’italianité que chacun veut à la fois éloigner et conserver. La trajectoire de la chanson Bella Ciao en est le symbole.

Tel est le postulat de départ du nouveau triptyque de Baru : pour devenir transparents ou que leurs enfants le soient, les immigrants italiens ont dû payer un lourd tribut fait de sueur, de sacrifices et de sang. Avec cette histoire qui est aussi la sienne, Baru touchera au plus profond du cœur les très nombreux Français descendants d’Italiens : certains s’y retrouveront, d’autres mêmes s’en serviront pour s’imaginer ou s’inventer des pièces manquantes de leur propre histoire familiale.

Mais pour tous les lecteurs, le discours répercute au-delà de la propre origine de l’auteur un message d’une portée beaucoup plus étendue, et nous parle de l’étranger qui vit aujourd’hui à côté de nous de quelque contrée qu’il vienne, ou de celui que nous-mêmes avons été.

Dans la continuité de la démarche artistique de Baru, Bella Ciao est un récit subtil et personnel qui invite tout un chacun à réfléchir sur la part de son héritage et de ses acquis culturels.

Un réel coup de cœur !

Bella Ciao (Uno)

Scénario et dessin Baru

Futuropolis, septembre 2020

128 pages, 20,00 €

Jérôme Boutelier

Illustrations : Baru © Futuropolis, 2020

 

Rédigé par Jérôme Boutelier

Publié dans #Chronique de Jérôme BOUTELIER

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