Les Indes Fourbes

Publié le 2 Septembre 2019

Les Indes Fourbes

Une épopée flamboyante.

 

« Gueux j’étais, gueux je resterai… ». Cherchant à échapper au destin misérable réservé à sa naissance, Pablos atteint le Nouveau Monde - les Indes – en quête de l’Eldorado, et se sert de tous les moyens pour assurer sa survie, déployant les ruses les plus perfides ou les roublardises les plus odieuses pour tromper les faibles comme les forts, suscitant mépris et ires vengeresses.

Le roman picaresque a marqué la littérature espagnole du 17e siècle. Alain Ayroles et Juanjo Guarnido se sont emparés d’un de ses fleurons, El Buscon, pour en imaginer la suite. Le scénario d’Alain Ayroles, dense et remarquablement complexe dans sa construction, engendre une suite de rebondissements rocambolesques et plonge le lecteur dans un récit haletant de la genèse à la conclusion de l’histoire.

Empruntant aux codes du genre, Ayroles livre un récit que raconte à la

première personne une voix off. Il déploie tout son art du verbe dans le style qu’il affectionne aux tournures un brin surannées et parfaitement écrit. Avec une extraordinaire maestria, les deux auteurs insufflent tout au long de l’album une force à souhait comique ou tragique au moyen de savants décalages : décalage entre le texte et l’image qui montre la réalité des événements, décalage entre les versions d’un chapitre à l’autre au gré des narrateurs successifs, décalage entre les émotions avec un dessin instillant ça et là un détail comique ou tragique à l’inverse de la situation.

 

Au sommet de son art, Juanjo Guarnido offre 145 planches époustouflantes. Illustrés dans un style réaliste, les paysages et les animaux sont sublimes, les décors somptueux, parés de couleurs aquarellées splendides et éclatantes.

Au cœur de l’album le récit glisse vers douze pages muettes sans qu’on s’en aperçoive tant la force expressive du dessin suffit. Les personnages, eux, sont croqués de façon semi-réaliste avec la verve cartoonesque dont il est passé maitre. Les références au peintre Velasquez sont nombreuses et plus particulièrement à l’un de ses tableaux les plus connus, Les Menines, dont l’énigmatique composition a subtilement inspiré les deux auteurs.

 

Dans une symbiose aboutie qui donne à chacun des deux toute sa place, le scénario et le dessin flamboyants de l’album font des Indes Fourbes un titre phare de l’année et qui restera immanquablement dans les annales.

 

 

 

Les Indes Fourbes,

par Alain Ayroles et Juanjo Guarnido

Delcourt août 2019

160 pages, 34,90 €

 

Illustrations : Ayroles et Guarnido© Delcourt 2019

 

 Jérôme Boutelier

Rédigé par Bulles de Mantes

Publié dans #Chronique de Jérôme BOUTELIER

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